Les sciences de la population et de l'économie aux XVIIIe-XXe siècles: institutions et cadres théoriques

Contrairement à l'idée reçue selon laquelle la connaissance des populations avant le 18ème siècle ne relèverait pas de critères scientifiques, les travaux menés dans l'unité depuis plusieurs années contribuent à une reconstitution systématique des formes prises par ces critères et des contributions savantes qu'elles ont produites. La littérature spécialisée se partage en deux grandes classes de problèmes : l'étude interne des concepts et des théories, d'une part ; l'étude externe des institutions où ces savoirs sont produits, d'autre part.
Ce projet vise à offrir un traitement combiné de ces deux aspects et, selon les chantiers en cours et l'état de l'historiographie, à approfondir parfois l'un (par ex. les travaux de Struyck, Guillard ou Lotka), parfois l'autre (le Tabellverket et Wargentin, ou le Bureau international du Travail) ou les deux (comme dans le cas de la physiocratie).
L'ensemble des travaux s'oriente ainsi vers une histoire des sciences des populations et de leurs interactions avec d'autres domaines proches, pour la période moderne précoce (où importe l'arithmétique politique), l'époque des Lumières et le début du 19e siècle (avec l'essor de l'économie politique, du calcul des probabilités et des statistiques), puis le milieu du 19e siècle (où se forme l'idée d'une démographie), enfin le premier 20e siècle (alors que la discipline se consolide).

Ce projet privilégie deux grilles de réflexion synthétiques : la logique des institutions d'une part et, d'autre part, la dynamique des cadres théoriques. La tension entre ces deux types de questionnements est aujourd'hui au cœur des débats spécialisés, en histoire des sciences sociales et économiques, mais aussi, plus généralement, en histoire des sciences. L'unité a accompli un important travail de restitution des textes et des pratiques scientifiques du passé. Il s'agit aujourd'hui de l'approfondir et de le valoriser plus systématiquement auprès d'une audience internationale. Un des enjeux est de penser l'articulation entre la logique des institutions qui organise le travail savant et la dynamique des cadres théoriques au sein desquels les productions scientifiques se réalisent.
Un autre enjeu de ce projet est de renforcer une perspective d'histoire longue en rééquilibrant les investissements de recherches sur chaque période considérée et de poursuivre la mise à disposition d'un corpus de références indispensables pour retracer la dynamique des cadres théoriques de la pensée démographique et économique.

Dans ce but quatre axes organisent le programme de travail des prochaines années:
1 « Dynamique des institutions à l'époque moderne »,
2 « Circulation internationale et institutions à l'époque contemporaine »,
3 « Genèses des théories et formation des concepts »,
4 « Diffusion et réception des oeuvres et des concepts ».
Les deux premiers mettent l'accent sur les contextes institutionnels de la production des savoirs anciens. Compte tenu des historiographies spécialisées, les dynamiques locales sont privilégiées pour la période moderne alors que la logique des circulations est la priorité pour les XIXe et XXe siècles. Les deux axes suivant portent sur des aspects complémentaires de l'analyse de la formation et de la réception des théories démographiques et économiques.

On aura recours d’une part à des sources d'archives (éléments biographiques, archives d'institutions, manuscrits et matériaux savants, etc.), d’autre part à des sources imprimées anciennes.
Seront mobilisées des méthodologies issues de l'histoire des sciences, de l'histoire intellectuelle et de la sociologie historique des savoirs.

Participants