Jacques Véron

nous parle de la journée mondiale de la population et des objectifs de développement

© Raphaël Debengy

À l’occasion de la journée mondiale de la population, le 11 juillet, questions au démographe Jacques Véron, directeur de recherche, ancien directeur adjoint de l’Ined. Au sein de la délégation française, il a assisté régulièrement aux réunions annuelles de la Commission de la population des Nations Unies. Après avoir participé aux préparatifs et négociations de la Conférence sur la population et le développement du Caire, il y a 20 ans, il prend part aujourd’hui à la réflexion sur la suite des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) après 2015.

(Entretien réalisé en juillet 2014)

Le thème de la journée mondiale de la population cette année est investir dans les jeunes dans la perspective des Objectifs du millénaire. Est-ce important ?

C’est un énorme enjeu de redonner du sens pour les jeunes. Ce thème de la jeunesse a jusqu’ici été un peu ignoré, car tout était centré sur le vieillissement démographique, qui touche en premier lieu les pays développés. Or la croissance démographique, en Afrique en particulier, entraîne chaque année un accroissement important du nombre de jeunes. Des jeunes souvent sans emploi, dans des situations précaires, dont les liens familiaux peuvent se détériorer parce qu’ils habitent chez leurs parents jusqu’à des âges avancés ou se rompre lorsqu’ils partent ailleurs chercher du travail. L’absence de perspectives fait naître des frustrations considérables.

Cette année représente aussi l’échéance du programme d’action sur 20 ans adopté lors de la Conférence du Caire en 1994. Quel bilan peut-on en tirer aujourd’hui ?

Cette conférence fut un événement marquant, qui a permis d’introduire une vision plus large des liens entre population et développement. Mais 20 ans après, lors de la réunion annuelle de la Commission de la population de l’ONU, qui a fait un bilan du Caire au printemps dernier, j’ai été frappé de voir que la dimension du développement était devenue totalement inexistante. Le mot « environnement » n’a quasiment jamais été prononcé, excepté par les petits pays du Pacifique menacés par le réchauffement climatique.
Les pays ont encore tendance à aborder les questions de population principalement sous l’angle de la santé de la reproduction, source d’affrontements idéologiques. En revanche, leur implication dans les questions de développement est plus faible qu’avant. Tout le monde s’accorde sur le principe, mais la mise en œuvre reste difficile, car une vision large des questions de développement suppose de tenir compte d’interactions complexes et d’agir dans la durée.
Mais pour analyser la situation vingt ans après le Caire, il faut aussi se rappeler que dans l’intervalle, la population mondiale est passée d’environ 5,7 à 7,2 milliards de personnes. Malgré cette contrainte démographique forte, des avancées sont notables dans le domaine de la santé.

Dans un an, le délai fixé pour atteindre les OMD aura expiré. Quelles sont les perspectives pour l’après-2015 ?

Huit objectifs, très quantitatifs pour la plupart, avaient été fixés. Certains seront atteints, sur l’habitat et l’accès à l’eau potable notamment, d’autres non. Mais cela aura tout de même permis d’avancer. Sur la réduction de la mortalité infantile et des décès maternels, les progrès sont substantiels. En revanche, des points de résistance persistent sur la question de l’égalité des sexes.
Aujourd’hui, la préparation de l’après-2015 se distingue par une philosophie différente, avec des objectifs plus nombreux et un champ plus étendu. Dix-sept objectifs de développement durable pour 2030 sont en cours de formulation sur un éventail de thèmes relativement riche : eau, inégalités, industrialisation durable, villes durables, changement climatique... Un retour à une vision plus large du développement semble s’annoncer.
La question du développement est aussi renouvelée par des acteurs comme les villes, qui pourraient jouer un rôle important. Ces acteurs intermédiaires, directement confrontés à la gestion des problèmes, ont acquis un statut à travers les associations de villes. Aujourd’hui, Chicago, par exemple, développe une politique environnementale alors que les Etats-Unis paraissaient peu préoccupés par ces questions au niveau fédéral. L’émergence de ces nouveaux acteurs est très positive.

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