Le boom des jumeaux

Les naissances de jumeaux ont presque doublé en France depuis 40 ans. Pour quelles raisons ? Quelles en sont les conséquences ? Les jumeaux sont plus fragiles à la naissance que les enfants nés d’une grossesse simple, ce qui entraîne une surmortalité au début de la vie. De combien ? Nadège Couvert, qui a travaillé pendant plusieurs années comme doctorante à l’Institut national d’études démographiques, vient de soutenir une thèse qui tente de répondre aux nombreuses questions posées par la démographie des jumeaux en France.

Au début du 21ème siècle, en France, seize accouchements sur mille donnent naissance à deux enfants, ce qui signifie qu’un peu plus de trois enfants sur cent sont des jumeaux. La fréquence des accouchements gémellaires a connu une hausse spectaculaire depuis quarante ans (de plus de 80 %).

Un problème de santé publique

Naître jumeau est un handicap du point de vue de la santé au moins au début de la vie. Le petit poids des jumeaux à la naissance, leur prématurité et les complications de l’accouchement, fréquentes lors des naissances multiples, font que leur mortalité est très supérieure à celle des enfants nés d’accouchements simples. À tel point que l’augmentation récente de la fréquence des jumeaux en France pèse sur l’évolution de la mortalité périnatale et infantile en ralentissant la baisse. Ce phénomène est désormais perçu comme un problème sérieux de santé publique, d’où l’intérêt d’en savoir plus sur les facteurs de la démographie des jumeaux.

Des sources statistiques variées

Contrairement aux pays scandinaves ou anglo-saxons, la France ne dispose pas de registres de jumeaux pour les étudier. Mais des sources statistiques existent : l’état civil, l’échantillon démographique permanent de l’Insee et les différentes enquêtes Familles de l’Insee et l’Ined. Leur analyse permet de répondre à différentes questions : Combien naît-il de jumeaux ? Combien en meurt-il ? La surmortalité dont ils souffrent au début de la vie en comparaison des enfants issus de naissances simples se prolonge-t-elle au-delà de la petite enfance ? Leurs comportements (en matière de fécondité, nuptialité, scolarité, etc. ) se distinguent-ils de ceux des autres enfants ? Les deux jumeaux d’une même paire se ressemblent-ils davantage que des frères et sœurs ordinaires ?

L’interaction entre biologie, médecine et société

Le taux de gémellité est sensible à différents facteurs dont l’âge de la mère et le rang de naissance. Or, l’âge moyen des mères a évolué au cours des 60 dernières années. Proche de 28 ans dans les années cinquante, il a ensuite régulièrement baissé jusqu’à 26,5 ans en 1977, puis s’est mis à augmenter rapidement pour atteindre plus de 30 ans au début des années 2010. L’évolution du taux de gémellité est en partie liée aux variations du calendrier des maternités. Les femmes âgées ont en effet plus fréquemment des jumeaux que les femmes jeunes.
La hausse spectaculaire, de près de 80 %, du taux de gémellité depuis le début des années 1970 vient en partie du retard des maternités, mais celui-ci n’explique qu’un tiers de la hausse. Les deux tiers restant viennent des traitements contre la stérilité (stimulations hormonales, assistance médicale à la procréation).
Les facteurs influant sur le taux de gémellité sont finalement multiples et relèvent à la fois de la biologie et des comportements. Sensible à différents effets où interagissent biologie, médecine et société, le taux de gémellité est un indicateur précieux des changements biologiques et sociaux.

Contact : Gilles Pison
Mise en ligne : juin 2011