Comment analyser le parcours scolaire des enfants d’immigrés ?

Les études sur les trajectoires scolaires des enfants d’immigrés aboutissent à la même conclusion : ceux-ci connaissent en France, dans une plus grande proportion que les natifs et dès le début de l’école primaire, des difficultés dans leur parcours scolaire, qui se matérialisent au travers des résultats et de l’orientation.

Si les mesures utilisées se sont précisées à partir des années 1990, passant d’une dichotomie fondée sur la nationalité (français vs. étrangers) à des distinctions plus fines en fonction du pays de naissance des parents, elles permettant rarement de mettre en évidence la pleine hétérogénéité qui existence au sein des enfants d’immigrés.

De manière générale, les difficultés scolaires que rencontrent les enfants d’immigrés peuvent être analysées comme liées à la position dominée de leurs parents dans la structure sociale en France, du fait notamment de leurs faibles capitaux économique et scolaire.

Il s’avère cependant que les résultats et trajectoires scolaires diffèrent grandement selon le pays d’origine des parents et que les propriétés sociales des parents en France ne permettent pas rendre compte complètement de cette diversité. Les enfants d’immigrés de Turquie, par exemple, enregistrent les positions scolaires relatives les plus basses que les enfants de mêmes milieux sociaux, tandis que les enfants d’immigrés d’Asie du Sud-Est et de Chine se situent en moyenne au-dessus des autres, enfants de natifs compris.

Ichou, M. 2014. Les origines des inégalités scolaires. Contribution à l’étude des trajectoires scolaires des enfants d’immigrés en France et en Angleterre. Sciences Po, Paris: Thèse de doctorat en sociologie, p. 151.

Écarts « bruts » et « nets » (à milieu social équivalent) de résultats scolaires en CP, 6ème, 3ème et au baccalauréat entre les groupes d’enfants d’immigrés et les enfants de natifs (groupe de référence) en France.

Sources : DEPP - Panel 1997 (CP, 6ème, 3ème) et Panel 1995 (baccalauréat).
Lecture : en 6e à 11 ans, les enfants de parents nés au Maroc ont en moyenne des résultats inférieurs de plus de 0,5 écarts-types par rapport aux enfants de natifs (écarts bruts), mais légèrement supérieurs lorsqu’on les compare à des enfants de natifs de milieux sociaux similaires (écarts nets).

Note : Les intervalles de confiance au seuil de 95%, associés au test de Student de comparaison des moyennes sont représentés autour de chaque différence de moyennes.

 

Au-delà des conditions d’existence et ressources familiales dans le pays d’immigration, on peut observer une forte relation entre la position sociale des immigrés dans leur société d’origine et la position scolaire de leurs enfants en France. Ainsi, les parents émigrés de Turquie vivaient majoritairement dans des zones rurales et étaient sensiblement moins éduqués que la moyenne, alors que les parents venant d’Asie du Sud-Est proviennent de groupes sociaux plus urbains et favorisés dans leur société d’origine.

Prendre en considération les expériences, et, plus globalement, l’histoire des parents et de la famille au sens large dans le pays d’origine permet de comprendre, de façon plus approfondie, les trajectoires des enfants. En effet, la position sociale post-migratoire des parents ne reflète que partiellement les dispositions familiales envers l’éducation qui sont également produites dans et en référence à la société d’origine.

Source : Ichou, M. 2014. Les origines des inégalités scolaires. Contribution à l’étude des trajectoires scolaires des enfants d’immigrés en France et en Angleterre. Sciences Po, Paris: Thèse de doctorat en sociologie

Contact : Mathieu Ichou

Mise en ligne : Septembre 2016