Dépasser l’alternative entre parent "biologique" et parent "social", l’exemple du rapport filiation, origines, parentalité

le Lundi 15 Décembre 2014 à l’Ined, de 11h30 à 12h30 en salle Sauvy

Présenté par Irène Théry (EHESS) ; discutante : Elise De La Rochebrochard (Ined)

Qu’est-ce que le « vrai parent »  d’un enfant : le parent biologique, le géniteur? ou le parent social, celui qui élève l’enfant, en prend soin au quotidien ? Cette alternative obligée, qui  organise les débats publics sur la famille depuis longtemps, a pris une intensité croissante depuis le début des années 2000, avec les discussions sur l’adoption, la PMA, la GPA  et l’accès aux origines.  Avec le mariage pour tous et l’homoparentalité, elle a atteint un stade encore jamais connu. Désormais, les partisans du parent dit « social » n’hésitent plus a accuser leurs adversaires d’être des fanatiques du « tout génétique » et de la « biologisation de la filiation ». De leur côté les partisans du parent dit « biologique » accusent les précédents de vouloir imposer une déconnexion radicale de la filiation et de la procréation, selon une logique individualiste et  constructiviste allant jusqu’au déni de la différence  des sexes dans la procréation.

 

Partant d’une analyse de ces débats, on montrera la confusion que génère l’opposition du parent biologique et du parent social, qui rassemble dans chaque « camp »  des positions incompatibles entre elles.  On  rappellera les critiques que la sociologie et l’anthropologie de la famille ont pu faire de la notion de « vrai parent » dans le contexte des pluriparentalités. On montrera enfin le paradoxe extraordinaire de cette alternative obligée  : devenir parent en transmettant la vie n’a jamais été autant valorisé, comme en témoigne la lutte sans merci contre l’infertilité ; mais devenir parent sans procréer n’a jamais suscité autant d’espoirs,  comme en témoigne l’essor de l’adoption avec  en France plus de 25 000 couples en attente. On présente comme incompatible ce qui, dans la vie sociale, progresse ensemble.

 

Partant d’un cas précis, celui de l’AMP avec tiers donneur, on montrera pourquoi il est aujourd’hui indispensable, ne serait-ce que pour décrire la réalité sociale telle qu’elle est, de  dépasser l’alternative parent social/parent biologique au profit d’une appréhension des faits humains centrée sur la signification et l’intentionnalité des actes.  Enfin, on présentera quelques unes des solutions concrètes préconisées par le rapport « Filiation, origines, parentalité »  à l’appui d’une autre approche : celle qui substituerait à la traditionnelle logique du « ou » (de la rivalité et de l’exclusion) une logique du « et », (de la coexistence et de la coopération) en référence au droit supérieur de l’enfant à ne pas être coupé d’une part de son identité narrative.