L’âge pour devenir parent par AMP : mais où sont passées les limites ?

le Lundi 18 Juin 2018 à l’Ined, salle Sauvy de 11h30 à 12h30

Présenté par : Laurence Brunet (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) ; Discutante : Virginie Rozée (Ined)

Le droit français a posé des limites temporelles au désir aux couples infertiles pour devenir parents en recourant aux nouvelles techniques de procréation : il faut être vivant et en âge de procréer. La première limite ne prête a priori pas à discussion, la seconde est beaucoup plus délicate à définir. Pourtant l’une comme l’autre sont aujourd’hui mises à l’épreuve, aussi bien pour les hommes que pour les femmes.

Pour les premiers, trois configurations particulières permettent de le montrer, dans lesquelles des paillettes de sperme congelé restaient à disposition alors même que l’homme était soit décédé, soit en fin de vie, soit d’un âge avancé. On voudrait montrer comment certaines décisions ont conduites à valider le désir de paternité post mortem et celui des senior, et comment la loi et les pratiques médicales ont contribué à paver la voie des paternités in extremis.

Du côté des femmes, le cadre est a priori plus strict puisque aucune tentative d’AMP n’est plus remboursée après 43 ans. Pourtant la pratique du don d’ovocytes remet en cause l’exigence légale d’être en « âge de procréer ». La majorité des femmes candidates au don ne demandent en effet à bénéficier de cette technique que pour compenser les effets de l’âge. Ce recul de la limite d’âge posée par la loi est encore amplifié par l’essor du recours à des dons à l’étranger, dont les frais sont en partie remboursées par la sécurité sociale française. De la même manière l’inflation des pratiques transnationales de GPA vient aussi accentuer ce phénomène de recul de l’âge de la maternité.

Les limites posées par la loi en 1994 prennent l’eau de toute part. La possibilité pour un homme d’autoconserver son sperme, pour quelque motif que ce soit, et la perspective (en débat aujourd’hui, la pratique étant encore interdite) que les femmes puissent faire de même avec leurs ovocytes (pour anticiper leur vieillissement), portent en germe le renversement de toutes les barrières temporelles dans lesquelles la loi avait jugé raisonnable d’enfermer les limites de la parenté.

Laurence Brunet

Laurence Brunet est juriste, chercheuse associée à l’Institut des Sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (UMR 8103), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne-CNRS et chargée d’enseignement à l’Institut d’études judiciaires de l’Université Paris Sud (libertés publiques et droits fondamentaux).

Elle a été co-responsable, avec I. Théry, M. Gross et J. Merchant, du séminaire bi-mensuel, Genre, personne et parenté dans l’Assistance médicale à la procréation à l’EHESS entre 2011 et 2016.

En 2013 elle a coordonné l’étude juridique commanditée par le Parlement européen sur la gestation pour autrui dans les pays de l’Union européenne (A Comparative Study on the Regime of Surrogacy in EU Member States, Directorate General for Internal Policies, Legal and Parliamentary Affairs)

Elle a aussi fait partie du groupe de travail présidé par I. Théry et A.-M. Leroyer  qui a remis un rapport au Ministre délégué à la famille « Filiation, origines et parentalité-Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle », publié chez Odile Jacob, 2014.

Elle est par ailleurs chargée de mission au Centre d’éthique clinique de l’Hôpital Cochin, Hôpitaux Universitaires Paris Centre et assure notamment des formations dans plusieurs DU de périnatalité dans les hôpitaux Béclère et Necker.

Ses recherches portent sur la notion juridique d’identité de la personne, en particulier sur la filiation, la parenté et l’identité sexuée.