L’évolution de la fréquence des jumeaux sous la triple influence de la biologie, la médecine et les comportements familiaux

le Lundi 11 Avril 2005 à l’INED, Salle Sauvy.

L’évolution de la fréquence des jumeaux sous la triple influence de la biologie, la médecine et les comportements familiaux
Discutant : Jean Bouyer (Inserm-Ined Unité 569)


La proportion d'accouchements gémellaires, autour d'un accouchement sur 100 en France jusqu'à il y a encore peu, a pu longtemps apparaître comme une constante de l'espèce humaine ne dépendant que de la biologie, un peu comme les proportions de naissances masculines et féminines, figées autour de 105 garçons pour 100 filles. Le taux de gémellité a pourtant varié en France depuis le XVIIIème siècle, tantôt à la hausse, tantôt à la baisse. Et depuis le début des années 1970, il a connu une hausse spectaculaire de près de 70%, sous les effets combinés des traitements contre la stérilité, qui expliquent les deux tiers de la hausse, et du retard des maternités, qui en explique un tiers. Après avoir retracé l'évolution du taux de gémellité en France depuis trois siècles, l'exposé passe en revue ses différents facteurs avec un intérêt particulier pour deux d'entre eux peu étudiés jusqu'ici : la limitation volontaire des naissances et la sélection par la fertilité. Concernant la limitation volontaire des naissances, nous avons étudié dans quelle mesure un accouchement gémellaire, qui est un événement imprévu dans la vie des familles, modifie les intentions de fécondité. Nous avons vérifié en particulier, grâce à l'analyse de près d'un million de biographies féminines recueillies par les « enquêtes familles » françaises, si les femmes qui accouchent de jumeaux s'engagent moins souvent ou non dans d'autres grossesses que celles qui accouchent d'un seul enfant. Et nous avons étudié les conséquences de ces comportements sur l'évolution du taux de gémellité. Dans la troisième partie, consacrée à la sélection par la fertilité, nous nous intéressons à la période de la première guerre mondiale pendant laquelle le taux de gémellité a atteint des niveaux étonnamment élevés. Nous en expliquons la cause : un effet de sélection des couples les plus fertiles, ces derniers ayant plus fréquemment des jumeaux que les autres, comme nous le montrons en étudiant des cohortes de nouveaux mariés à partir des données des « enquêtes familles » françaises. Les facteurs influant sur le taux de gémellité sont finalement multiples et relèvent à la fois de la biologie et des comportements. Sensible à différents effets où interagissent biologie, médecine et société, le taux de gémellité est un indicateur précieux des changements biologiques et sociaux.