Polygamie, adultère et homosexualité à la cour du Buganda (Ouganda)

le Lundi 01 Décembre 2025 à l’Ined de 11h30 à 12h30, en présentiel en salle Sauvy & en visioconférence via ZOOM

Polygamie, adultère et homosexualité à la cour du Buganda (Ouganda)

Intervenant : Henri Médard (professeur d’histoire Aix Marseille univ., membre de l’Institut Mondes AFricains, chercheur en délégation IFRA-Nairobi); discutant : Joseph Larmarange (directeur de recherche IRD, directeur adjoint Ceped, chercheur assoc. Ined)

Le Buganda, royaume le plus puissant de l’Afrique des Grands Lacs, est l’une des rares régions d’Afrique pour laquelle existent des sources sur les pratiques homosexuelles au XIXe siècle. Le 23 janvier 1886 son roi, Mwanga, entreprend le missionnaire catholique français Siméon Lourdel à propos de l’interdiction par l’Eglise Catholique de ces pratiques. Il explique que sans elles, il lui sera impossible d’empêcher l’adultère entre ses épouses et ses pages. Ces derniers cohabitent ensemble dans l’enclos royal. Il tente de convaincre le missionnaire de ce fait de revenir sur cet interdit sexuel chrétien et de tolérer les pratiques homosexuelles concernant ses pages. 

Cette conversation est la seule source, au Buganda, qui donne la parole indirectement à une personne qui défend les relations intimes masculines. Toutes les autres informations sont issues de convertis chrétiens ou d’occidentaux. 

Le choix d’argument de Mwanga est inattendu. Son mécontentement a priori provient de la conversion au christianisme du groupe de pages où il rassemble ses mignons et qui en conséquence se refusent de plus en plus à lui. On aurait pu également s’attendre à une justification autour de la sacralité rituelle monarchique construite autour du genre (du roi comme seul véritable mâle du royaume et de la féminisation de ses sujets). Or il n’en est rien. 

Nous allons réfléchir ici sur le choix de cet argument par Mwanga. Outre des raisons tactiques (condamnation également de l’adultère par les missions), l’essor exponentiel de la polygamie au Buganda au XIXe siècle, nourri par l’essor de la traite des esclaves, est un élément clef. La polygamie décuple l’anxiété de la société autour de la filiation des enfants et de la fidélité des épouses. 

Biographie de Henri Médard :

Henri Médard est professeur d’histoire de l’Afrique contemporaine à Aix-Marseille Université, et membre de l’Institut des Mondes AFricains (IMAF), actuellement en délégation CNRS à l’IFRA-Nairobi. 
Spécialiste de l’Afrique orientale, Henri Médard a notamment publié : Le royaume du Buganda au XIXe siècle : Mutations politiques et religieuses d’un ancien État d’Afrique de l’Est (Karthala, 2007) ; Désordre colonial dans la propriété. Une histoire lacustre du royaume du Buganda (1885-1925), Nairobi-Paris, Africae, 2023 ; et Homosexuality in precolonial Africa: Gender Innovation and the Politics of Sex in the Kingdom of Buganda (1880-1900), Nairobi-Paris, Africae, à paraître janvier 2026.