Sans-domicilisme féminin et continuum des violences de genre

Son mémoire d’habilitation à diriger des recherches analyse la spécificité du sans-domicilisme féminin et questionne la tension entre sa visibilité et son invisibilité sociale, invitant à repenser les catégories d’analyse de la pauvreté et des exclusions sous le prisme du genre. Alors que les femmes sans domicile sont longtemps restées dans l’ombre de la "question SDF" (Damon, 2002), elles deviennent, à partir du milieu des années 2010, un problème public puis un enjeu politique. Pourtant, leurs caractéristiques et leurs trajectoires de vie restent relativement méconnues et les dispositifs institutionnels leur proposent souvent un accompagnement peu adapté à leurs besoins.

Son intervention s’appuiera principalement sur le chapitre 4 du mémoire qui insiste sur l’importance des violences de genre pour comprendre le « sans-domicilisme caché » des femmes. Si la domination et l’appropriation du corps des femmes par les hommes constituent un lien structurant pour toutes les femmes, celles qui sont sans domicile, dominées au moins du point de vue social, racial ou économique ont toutes en commun d’avoir vécu et subi au cours de leur vie des violences de genre multiples, répétées, fréquentes et multi situées, et ce, plus que leurs homologues masculins. Ce continuum de violences de genre (Brown et al., 2020 ; Kelly, 2019) ou continuum féminicidaire (Taraud, 2022) qui caractérise leurs trajectoires, de l’enfance à l’âge adulte et dans les multiples sphères de leur vie, est souvent à l’origine de la perte du logement et des trajectoires migratoires et résidentielles spécifiques qu’elles empruntent. Si les violences de genre sont ainsi au cœur de l’étude du sans-domicilisme féminin, elles restent encore très largement sous-estimées par des dispositifs d’aide qui, au mieux, se focalisent sur les violences conjugales, oubliant de penser le continuum des violences et ses conséquences sur la vie des femmes.

Discutant : Mathieu Trachman, Chercheur à l’Ined