Baptiste Coulmont, chercheur en délégation à l’Ined en 2016-2017, Professeur des universités, à l’Ecole normale supérieure Paris-Saclay

Quel parcours vous a mené à l’Ined ?

Mon parcours avant ma délégation à l’Ined est celui d’un sociologue. Après une thèse de sociologie (EHESS, dir. Danièle Hervieu-Léger), j’ai obtenu un poste de maître de conférences à l’Université Paris 8. Après m’être intéressé aux questions de religion et de sexualité, j’ai commencé, d’abord pour les besoins d’un cours, à étudier le choix des prénoms. J’avais pu identifier quelques pratiques sur lesquelles les sociologues en savaient peu : les changements de prénom tout d’abord, et le choix des prénoms que les immigrés et leurs enfants font pour leurs enfants. Ma demande de délégation à l’Ined est intervenue une douzaine d’années après la soutenance de la thèse et deux ans après la soutenance de mon habilitation à diriger des recherches.

Quelle a été votre activité à l’Ined ?

Ce fut tout d’abord une coupure avec le quotidien universitaire : j’avais demandé, pendant mon année de délégation, à ne pas être tenu au courant de l’activité de mes collègues de Paris 8 (ni mails, ni réunions). À l’Ined j’étais intégré à l’unité « Migrations internationales et minorités », dont j’ai pu suivre les divers séminaires. J’ai aussi essayé, le plus possible, d’être présent aux journées d’études et colloques organisés cette année-là à l’Ined.
J’avais deux buts principaux. D’abord me former à la sociologie des migrations. Ensuite me plonger, longuement, et en prenant mon temps, dans une enquête, pour en comprendre la subtilité. Cette enquête, Trajectoires et Origines (TeO), permet de mieux comprendre les déterminants des choix des prénoms que portent les enfants et les petits-enfants des immigrés, en France, au début des années 2000.

Quelle est, pour vous, la spécificité de l’Ined ?

Je dirais qu’il y a deux spécificités. La première, c’est l’expertise dans les grandes enquêtes de la statistique publique : il y aura toujours un ou une chercheure, un.e ingénieur.e de recherche, ou un.e doctorant.e pour répondre à une question précise sur tel ou tel point obscur... mais crucial pour tel ou tel traitement. Cela, je le savais avant ma délégation.
La deuxième spécificité, venant d’une université où les bureaux ne sont pas nombreux, c’est un esprit de bureau marqué, avec ses horaires de travail, les pauses café, la cantine, etc... Pour une délégation, c’est très utile, puisqu’une des finalités est d’entrer en relation avec des collègues parfois éloignés.

En quoi cela consiste-t-il d’être chercheur en délégation ?

La délégation m’a donné le temps pour réfléchir et explorer une enquête qui contient plusieurs centaines de variables. Réfléchir : le temps quotidien d’un universitaire est fractionné, par les réunions, les cours, les préparations de cours, les rendez-vous avec les étudiants et les tâches administratives variées. La délégation m’a permis de « défragmenter » les journées de travail, en enlevant les délais incompressibles.
Explorer : Concrètement, ce sont des dizaines et des dizaines de pages de brouillons, de tableaux, de pistes à explorer, d’idées pour plus tard, sans la pression d’une publication rapide. Je le constate maintenant, j’ai pu acquérir au cours de cette année des automatismes, qui m’aident aujourd’hui quand je dois aborder d’autres enquêtes statistiques.

(Entretien réalisé en juin 2021)