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La démographie des Balkans. Source et données

Collection : Actes et publications de colloques

1998, 204 pages

Avant-propos

 

Byron KOTZAMANIS, Alain PARANT, Jean·Paul SARDON

 

Co-organisé, du 26 au 29 juin 1996, à Thessalonique, par l’Université des sciences économiques et sociales de Macédoine qui a offert ses locaux et assuré la logistique avec efficacité, par (Association internationale des démographes de langue française qui a assuré la « mise en musique » scientifique, par le Centre national de la recherche scientifique (EKKE, Athènes) a l’Association des statisticiens des Balkans, avec le très précieux concours financier de la Commission des Communautés européennes et du Conseil de l’Europe, le deuxième atelier de l’Aidelf a largement dépassé les attentes de ses promoteurs. Il s’est transformé, en effet, en une véritable conférence internationale, réunissant avec les chercheurs de la région les- directeurs da offices statistiques. La présence de ces derniers témoignaient de l’importance qu’ils accordaient à cette réunion et à ses travaux. Cette conférence constituait pour eux, il est vrai, la première occasion qui leur était donnée de se rencontrer et d’échanger des informations sur la situation de leur pays.

 

Les ambitions de la conférence

Les organisateurs, sur le thème de l’évolution démographique dans les Balkans depuis la Seconde Guerre mondiale, s’étaient assigné un double objectif:

- mettre au jour un maximum de données relatives autant aux sources qu’aux faits démographiques. La grave crise, qui a affecté cette partie de l’Europe et largement retenti sur la communauté internationale, a incidemment tait surgir, en effet, combien sur les questions, entre autres, du peuplement et des minorités (ethniques, linguistiques ou confessionnelles) des pays balkaniques, de leur potentiel migratoire ou de l’évolution de leur situation sanitaire et sociale, n’était du savoir n’était parfois guère à la hauteur des besoins;

- dresser une liste des personnes accordant, dans leva travaux sur cette partie de l’Europe, une place ventrale à la démographie et aux questions de population.

La conférence de Thessalonique a été conçue, en conséquence, pour favoriser la rencontre entre, d’une part, les démographes (dans l’acception large du terme) et, d’autre port des responsables des organismes statistiques nationaux dont le concours est indispensable à l’amélioration des connaissances. Elle a, dès le début, reçu le soutien enthousiaste de ces derniers. Tous les instituts ou offices statistiques contactés sont allés au bout de l’exercice qui leur avait été proposé, ù savoir:

- élaboration, sous leur responsabilité, de quatre synthèses nationales, une pour chacun des quatre sous-thèmes de la conférence : les sources et données démographiques ; les composantes de l’évolution démographique, la structure par âge et la structure des ménages et des familles : les mouvements migratoires internes et internationaux;

- documentation de deux annexes pré-définies visant à appréhender l’ampleur et la disponibilité du tonds démographique de chaque pays;

- confection d’un dossier statistique rassemblant toutes les séries de données démographiques brutes existantes en rapport avec les thèmes traités.

Durant quatre journées, l’assemblée des quelques soixante-dix participants- membres des délégations officielles (cinq Albanais, huit Bulgares, dix-sept Grecs, douze ressortissants de l’Ex-République yougoslave de Macédoine, sept de la République fédérale de Yougoslavie, sapa Rnumainsl : membres de l’Aidelf; représentants des organisations ayant contribué à la tenue de la manifestation- a réussi à nouer des échanges très fructueux en surmontant l’obstacle des barrières linguistiques, par l’utilisation du français ou de l’anglais.

Cela ut d’autaut plus méritoire que, dans cette région, les susceptibilités politiques étaient et sont encore, particulièrement exacerbées­.

Il reste néanmoins que les présentations des quelque quarante rapports et communications, comme les discussions qui les ont suivies, se sont déroulées dans un climat cordial et serein. Au point qu’à l’issue de la conférence, le projet de création d’un Observatoire démographique des Balkans fut même adopté et que le principe de séminaires ultérieurs - pas nécessairement destinés à réunir une participation aussi nombreuse qu’à Thessalonique, mais organisés à intervalles assez réguliers et, si possible, dans un pays chaque fois différent - reçus une approbation unanime et enthousiaste.

 

Bref compte rendu des séances

 

Première séance : Les sources et données démographiques.

Les rapports présentés devaient décrire l’évolution des appareils nationaux de collecte d’informations démographiques (recensement, état civil, enquêtes) et la discussion devait consister en un examen critique des modes de collecte (exhaustivité, qualité, périodicité, -..) et d’exploitation, ainsi que de la disponibilité et de la comparabilité (dans le temps et dans l’espace) des données.

A bien des égards. les textes qui ont été débattus peuvent être considérés comme des documents de référence tant ils contiennent d’éléments indispensables à la compréhension et à l’utilisation la plus judicieuse des statistiques dans une optique comparative.

C’est un oubli trop souvent tait-en Europe occidentale, notamment-que tous les rapports ont déjà utilement contribué à réparer les pays balkaniques ont une longue tradition statistique- Dans cet espace géographique, simultanément méditerranéen et slave, zone de contact entre les mondes chrétien et musulman, fortement et diversement influencé par son intégration à t’empire ottoman puis au bloc socialiste, les systèmes statistiques ressemblent fors à ceux des autres pays européens-. Ce qui les en différencie peut-être le plus cependant, c’est le souci quasi général et permanent d’identification des minorités, qu’elles soient ethniques, linguistiques ou, à un moindre degré, religieuses : cet intérêt reflétant la réelle diversité des populations de la région, ainsi que la fragmentation de leurs implantations, bien plus importante que partout ailleurs en Europe (hormis, peut-être, le Caucase).

Ce qu’ont aussi mis en évidence les rapports présentés, c’est la nécessité d’harmoniser certains concepts, certaines définitions et procédures. Ce besoin d’harmonisation, qui se heurte à un certain conservatisme dans la collecte statistique, est la clef du développement d’études comparatives, que celles-ci portent sur les seuls pays balkaniques ou qu’elles soient élargies à d’autres. Il sera, probablement, longtemps encore, délicat de comparer la population des ménages (effectifs, structures selon tel ou tel critère) dans les pays balkaniques - où le ménage est largement défini comme l’entité fournée de la ou des personnes ayant ou non un lien de parenté entre elles, partageant le même logement et mettant en commun leurs ressources pour satisfaire les besoins élémentaires collectifs (en Ex-République yougoslave de Macédoine, où la communauté de ressources prime sur la co-résidence, même des personnes travaillant à l’étranger peuvent être déclarées chefs de ménage) - et dans les pays d’Europe occidentale où prévaut, non le ménage-foyer, mais le ménage-logement.

 

Deuxième séance : Les composantes de l’évolution démographique.

Les textes destinés à alimenter les débats devaient s’articuler en deux parties la première décrivant - dans une optique comparative, infranationale et internationale - l’évolution des principaux phénomènes démographiques depuis la fin de la Deuxième Guerre (mortalité infantile, mortalité par sexe et par age, fécondité générale et fécondité par rang, primo-nuptialité, divortialité...) ; et la seconde analysant les facteurs à l’origine des évolutions considérées.

D’une manière générale, un important travail a été accompli par les auteurs des divers rapports présentés-Les débats ont cependant mis en lumière plusieurs lacunes affectant ces derniers:

- le recours trop fréquent à certains indicateurs quelque peu frustes; - une préférence trop marquée pour l’analyse transversale;

- des comparaisons internationales trop souvent limitées 3 une opposition, non point entre pays balkaniques et pays limitrophes ou appartenant d la même zone, mais entre pays socialistes et autres pays européens, soit des comparaisons de plus en plus difficiles à justifier aujourd’hui et de mOins en moins pertinentes;

- l’absence d’analyses régionales et régionales/transnationales. Dans les Balkans, des différences considérables de comportements peuvent, on le sait, caractériser des populations localisées sur des micro-espaces, ou sur des espaces transfrontaliers- Il est manifeste, par exemple. que dans le cadre d’analyses nationales globales, on ne pourra aucunement mettre en évidence la zone de fécondité relativement élevée qui s’étend du sud-ouest de l’Ex-République yougoslave de Macédoine au Kosovo, en passant par l’Albanie. Le seul recours à des synthèses nationales. paire qu’il peut occulter la proximité de comportements démographiques particuliers valant de pan et d’autre d’une même frontière, est, à l’évidence, insuffisant;

- un volet explicatif souvent réduit à sa plus simple expression. Il ne suffit pourtant pas de décrire, il faut aussi chercher à comprendre le pourquoi des faits et des évolutions constatés et i appuyer, pour cela, sur les apports des autres disciplines des sciences humaines, dans le cadre de collaborations renforcées avec leurs représentants.

Pénétrés de cette évidence que les résultats de leurs recherches sont attendus avec intérêt par les acteurs économiques et les responsables politiques, en vue de l’élaboration des programmes de développement, de la mise en oeuvre de politiques sanitaires, de gestion des systèmes de retraite, de gestion des ressources humaines..., c’est des cane deuxième séance de la conférence que les participants ont développé l’idée de fédérer leurs efforts au sein d’un réseau permanent d’échanges.

 

Troisième séance : Structure par âge et structures des familles et des ménages.

Les communications examinées dans cette séance - qui faisait suite à un bref intermède, organisé par Eurostat sur les recensements de l’an 2000- ne devaient pas, dans l’idéal se réduire à une simple description des évolutions, mais faire aussi une large place à l’analyse des causes.

Que la jeunesse des peuples soit moins éphémère, plus durable, que celle des individus, bien des pays développés peuvent le vérifier depuis déjà longtemps. Mais le vieillissement démographique a atteint les Balkans au cours de la période étudiée ; tous les rapports l’ont souligné, y compris ceux qui ne s’appuyaient pourtant pas sur les indicateurs les plus pertinents.

Comme celles- des autres espèces, les populations humaines se renouvellent par le jeu des naissances, des décès et des mouvements migratoires. C’est donc de la façon dont évoluent dans le temps le comportement procréateur des couples, l’état sanitaire (au sens’ large) et la faculté ou l’incapacité, pour un pays, d’attirer des étrangers ou de retenir ses habitants, que depend, avec une inertie certaine, l’évolution du nombre et de la structure par age de sa population. Inscrit dans les faitS d’un passé plus ou moins lointain, le vieillissement démographique n’emprunte rien au hasard

Les calculs effectués dans le cadre des rapports bulgare et yougoslave- dont les rédacteurs ont mené une réflexion véritablement très aboutie - font bien ressortir la primauté du déclin de la fécondité dans le déclenchement du processus du vieillissement démographique et l’incidence très limitée, jusqu’à présent du moins, de l’allongement du calendrier de la mortalité. Sur la période étudiée, et à l’échelle des deux pays considérés, il était difficile d’isoler un effet induit par les mouvements migratoires. C’est, en effet, moins au niveau national qu’infranational que les flux migratoires revêtent leur plus grande diversité et se révèlent les plus déterminants quant à l’évolution de la structure par fige. Avant même que la fécondité ne baisse dans une localité, on sait bien que la population de cette dernière vieillira si les jeunes qui y sont nés la désertent progressivement pour aller étudier ou chercher des emplois ailleurs. Au vieillissement mécanique-et instantané-provoqué par l’exode des plus jeunes, viendra inéluctablement se superposer un vieillissement induit par la baisse de la natalité, ce dernier étant d’autant plus important que l’émigration concernera plus que proportionnellement des jeunes femmes. De la meure façon, un sait bien qu’une localité où se retirent en nombre des personnes âgées pour y finir leurs jours, connaîtra ipso facto un vieillissement plus prononcé.

Une autre caractéristique du vieillissement, abondamment mentionnée dans les rapports, est qu’il constitue une tendance lourde, dont les manifestations seront à l’avenir de plus en plus visibles, et ont été jugées extrêmement préoccupantes par plusieurs auteurs de rapports et nombre de participants.

Le vieillissement démographique n’est que la suite d’évolutions généralement jugées plutôt heureuses. Ce faisant, son évolution à venir contraindra à des adaptations et ù des arbitrages plus au moins sévères. Nombreuses ont été les conséquences rapidement passées en revue par l’assemblée: les volumes, les structures et les financement futurs des budgets de protection sociale ; les processus de décisions collectives (les personnes âgées ont un pouvoir politique qui à terme plus ou moins éloigné, pourrait excéder, plus ou moins largement leur poids dans la population totale) ; les valeurs qui cimentent les sociétés actuelles (préoccupés de vivre toujours plus longtemps et de s’approcher toujours un peu plus de l’éternité, les humains ne finiront-ils pas par oublier que leur avenir implique une reproduction minimale ?) ; la consommation de bien, et de services ; les adaptations de nos systèmes productifs;

La troisième séance traitait aussi de la structure des familles et des ménages, les facteurs qui gouvernent l’évolution de leur nombre, de leur taille, et, bien évidemment, de la répartition par age de leurs membres n’étant pas sons lien avec les phénomènes dont le vieillissement démographique est la conséquence. Tous les auteurs de rapports ont, à ce propos, abondamment disserté sur l’augmentation du nombre de ménages constitués d’une seule personne, une personne souvent figée ou très âgée, et exprimé une préoccupation première dans un contexte où les générations pourraient être plus nombreuses à coexister mais, dans le même temps, moins disposées - ou contraintes - à cohabiter (partager un même logement) que par le passé, comment les sociétés s’organiseront-elles pour faire en sorte de maintenir dans leur lieu de vie toutes les personnes vivant seules?

 

Quatrième séance : Mouvements migratoires et répartition spatiale de la population

Axés, en premier lieu, sur l’évolution de la répartition spatiale de la population de 1945 à 1995 lune place toute particulière étant faite aux modifications de peuplement observées sur la période d’immédiat après-guerre, pendant laquelle furent organisés les premiers recensements), puis sut l’évolution des mouvements migratoires internes et internationaux (provenance et destination des flux ; principales caractéristiques démographiques des migrants nets), les rapports devaient également évoquer les politiques migratoires et de peuplement.

En définissant le cadre de cette séance, les organisateurs avaient, sans aucun doute, placé la barre très haut.

Tous les rapports nationaux ont abondamment souligné la tendance ancienne au dépeuplement des campagnes et v la croissance concomitante du monde urbain et périurbain.

Mais l’analyse des changements intervenus dans~la répartition spatiale des populations des pays concernés, ainsi que celles des facteurs qui ont présidé à ces changements et des conséquences que ces derniers ont eues s’est le plus souvent réduite à sa plus simple expression. On aurait aimé, par exemple, disposer d’une mesure de l’effet des dispositifs (administratifs, économiques ou politiques) mis en oeuvre pour favoriser ce que plusieurs participants ont nommé « l’industrialisation socialiste » sur la répartition par sexe, âge, état matrimonial, nationalité, type d’emplois tenus, qualifications,..., des populations concernées et sur la dynamique démographique des diverses régions distinguées.

De même, tous les rapports soulignent l’essoufflement des courants migratoires internes traditionnels m notent une inversion de ceux-ci, les zones les plus urbanisées présentant maintenant souvent des soldes négatifs, les migrations de retour constituant l’explication la plus fréquemment invoquée.

Indépendamment de l’absence, ou quasi-absence, d’analyse des causes et des répercusSions démographiques et économiques de ces changements affectant les migrations internes, aucune réflexion critique n’a été menée sur les sources et les modalités d’appréhension du phénomène migratoire et des populations migrantes dans les pays concernés ou sur In comparabilité des résultats par-delà les frontières. Combinés à l’état civil - qui fournit, avec une précision généralement très satisfaisante, les effectifs de décédés d de nouveau-nés - les recensements de population sont, en effet, la seule source permettant d’estimer, non point les migrations, mais le nombre de migrants entre deux recensements successifs dans un espace donné. Et la connaissance que l’on a. par l’intermédiaire des recensements, des caractéristiques des populations migrantes repérées - outre qu’elle ne peut coïncider avec celle de la population migrante totale (qui englobe aussi tous les individus qui, entre deux recensements successifs, ont effectué deux ou plusieurs migrations les ayant ramenées à leur point de départ) - est forcément limitée.

L’assemblée des participants était bien consciente à l’issue de cette quatrième séance que beaucoup de chemin restait encore à parcourir pour que la compréhension des tendances démographiques passées dans les Balkans, et, plus encore de la situation Depuis le début des années 1990, soit moins imparfaite. Nul doute qu’un réseau démographique sur les Balkans, tel que celui envisagé à l’issue des travaux - à la condition qu’il trouve les moyens, notamment financiers de vivre et prospérer - pourrait utilement participer à combler certaines « trous noirs » de la connaissance.

La présente publication doit permettre de garder un souvenir tangible de la conférence de Thessalonique qui, par le nombre et la qualité des participants et de bien des textes présentés, ressembla fort à une première e conférence internationale de l’Aidelf sur la démographie des Balkans.

Pour des motifs, d’ordre notamment financier, il était hors de question de publier tous les textes présentés et discutés ; il a fallu faire des choix. Afin de rester dans l’esprit de ce qu’ambitionnait d’être, et fut, cette manifestation scientifique, il a été décidé que les « Actes » consisteraient en:

- une présentation des objectifs et des principaux acquis de la réunion de juin 1996 (Avant- propos, pages 1-6);

- une publication de six textes édités par les trois signataires de l’avant-propos - seuls responsables possibles des erreurs et approximations ou compromis subsistants - à partir des communications présentées lors de la seule première séance « Sources et données démographiques » (pages 7-144);

- un tableau synoptique des données disponibles au niveau national et régional (Annexe A, pages 145-166);

- un répertoire des chercheurs ou statisticiens connus pour leurs travaux sur la population de tel ou tel pays balkanique (Annexe B, pages 167-193) ;

- un recueil des listes : des membres des comités de parrainage, scientifique et d’organisation ; des communications présentées ; des participants a la conférence (Annexe C, pages 195-203).

Les textes présentés dans la quatrième séance « Mouvements migratoires et répartition spatiale de la population » feront également l’objet d’une publication dans la collection Series on Transition in the Balkans, de l’Université de Thessalie à Volos (Grèce).

Que tous ceux qui_ d’une manière ou d’une autre, ont contribué à la réalisation de cet ouvrage trouvent, ici, l’expression de notre très confraternelle gratitude.

 


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