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 Les impasses de la sociogénomique
Nicolas Robette
À partir des années 2000, les technologies de séquençage et de génotypage à haut débit se développent très rapidement. On peut dès lors étudier simultanément un grand nombre de marqueurs génétiques chez un grand nombre de sujets, ce qui permet l’apparition des « études d’associations pangénomiques » et des « scores de risques polygéniques ». C’est dans ce contexte de progrès technologiques et statistiques que la « sociogénomique » – entendue comme la combinaison de la sociologie et de la génétique – apparaît et se diffuse dans
le champ des sciences sociales. Or les méthodes utilisées par les sociogénomistes reposent sur un certain nombre de présupposés conceptuels et statistiques, dont la validité pose problème. Indépendamment des limites des outils utilisés, il apparaît que, à l’heure actuelle, les travaux de sociogénomique n’apportent qu’une faible contribution à la connaissance sociologique et démographique. On est le plus souvent en présence d’un acte de foi dans le progrès de la sociogénomique par l’intermédiaire des progrès techniques, sans remise en cause du modèle biologique sur lequel tout repose. De ce point de vue, l’écho des divers appels à la prudence des sociétés savantes en génétique humaine ne semble pas (encore) avoir porté jusqu’à ces « entrepreneurs de génétique » en sciences sociales.

L’immigration chinoise en France
Isabelle Attané
L’immigration chinoise, bien que toujours marginale à l’échelle de la France métropolitaine, à la fois en termes de stocks et de flux, a connu depuis les années 1980 une croissance six fois plus rapide que celle en provenance des autres pays. Cet article vise à pallier la relative méconnaissance de cette immigration sur un plan quantitatif. Il analyse tout d’abord les données des recensements afin d’en décrire les principales caractéristiques sociodémographiques par comparaison aux autres immigrés. Il se fonde ensuite sur des données administratives afin d’étudier les flux alimentant la croissance de la population chinoise en France et d’estimer les flux de sortie. Deux principaux résultats ressortent des analyses : d’une part, une forte concentration résidentielle en Île-de-France et dans les zones les plus urbanisées du pays ; d’autre part, l’apport significatif de la migration étudiante, qui modifie progressivement le profil sociodémographique général des migrants chinois en France.

Démographie, paysannerie et famille dans la Provence du haut Moyen Âge, 813‑814
Irene Barbiera, Maria Castiglioni, Gianpiero Dalla-Zuanna
Établi en 813-814, l’inventaire des paysans qui travaillaient pour l’abbaye Saint-Victor de Marseille donne des informations sur la dynamique démographique en Provence (France méridionale) durant le haut Moyen Âge. La structure de la population par âge est reconstruite et permet de constater qu’elle est similaire à ce que reflètent d’autres registres médiévaux européens. Avec des résultats très proches des données sur les cimetières provençaux du premier millénaire et des tables de mortalité classiques estimées dans le cadre de précédentes études, qui montraient une mortalité importante dans le Sud de l’Europe, on en déduit non seulement cet inventaire des tendances de mortalité, mais aussi des modèles de nuptialité et de natalité. Ces résultats paraissent indiquer que la Provence du haut Moyen Âge se caractérisait par une pression démographique plus forte que celle observée en France ou en Europe occidentale après la grande peste. Enfin, sont analysés les modes d’habitat et d’exploitation propres à la paysannerie locale, en plaine comme en montagne, pour clarifier les relations entre habitat, environnement et production.

Les usagers des services d’aide aux sans-domicile en 2001 et 2012 : des exclus du logement et de l’emploi ?
Pascale Dietrich-Ragon, Delphine Remillon
À partir des enquêtes Sans-domicile de 2001 et 2012 (Insee-Ined), cet article dresse une typologie des parcours résidentiels et professionnels des usagers francophones des services d’aide aux sans-domicile. La majorité des enquêtés sont exclus à la fois des marchés du logement et du travail. Ceux qui sont engagés dans des démarches de recherche sur ces deux plans se distinguent de ceux dont la situation paraît bloquée, comme les migrants sans autorisation de travail. Le cas des personnes qui occupent un emploi mais sont exclues du logement met en évidence une figure particulière : celle du travailleur pauvre hébergé par les institutions. L’analyse des évolutions entre 2001 et 2012 laisse apparaître le développement d’un système d’hébergement à trois vitesses recouvrant en partie celui du rapport à l’emploi : un secteur de l’urgence accueillant les migrants et les hommes seuls coupés de l’emploi ; un secteur de  ’hébergement stabilisé prenant en charge des personnes n’ayant pas ou peu de perspectives de réinsertion professionnelle à court terme, mais rentrant dans les catégories cibles des politiques d’hébergement (invalides, retraités, femmes) ; un secteur de l’hébergement d’insertion logeant, de façon plus ou moins provisoire, des personnes en emploi ou proches de l’emploi.

Homogamie éducative et générations : quels effets sur les inégalités de niveau de vie en France ?
Pierre Courtioux, Vincent Lignon
Il est admis que l’homogamie éducative – c’est-à-dire la tendance des personnes ayant le même niveau de diplôme à se mettre en couple – renforce les inégalités socioéconomiques au sein de la population. Mais les études écartent généralement de leurs estimations une partie des individus les plus âgés, afin de ne pas introduire de biais de génération. Les indicateurs ainsi produits ne peuvent être comparés directement avec les indicateurs usuels d’inégalités de niveau de vie calculés en population générale. Cet article propose une méthode originale pour contrôler ce biais de génération afin de quantifier la part des inégalités imputables à l’homogamie éducative en population générale. À l’aide d’une modélisation logistique des probabilités d’appariement des conjoints selon le diplôme, l’évolution de la structure des diplômes au fil des générations est identifiée de manière fine, ainsi que son rôle sur les inégalités liées à l’homogamie éducative. Les résultats obtenus sur les données françaises pour la période 2003-2013 montrent que l’impact de l’homogamie éducative sur les inégalités de niveau de vie est statistiquement significatif mais très faible. Elle affecte plus particulièrement le haut de la distribution des niveaux de vie et nécessite pour être mise en évidence de bien contrôler les effets de génération.