Géraldine Duthé et Thomas Wiest

reviennent sur le programme de mobilités internationales entre l’Europe et l’Afrique, DEMOSTAF, que l’Ined pilote depuis janvier 2016.


Les coordinateurs du programme, Géraldine Duthé, chercheure à l’Ined, coresponsable de l’unité de recherche Démographie des populations du sud (UR15 DEMOSUD) depuis septembre 2016, et Thomas Wiest chargé des affaires européennes au sein de la Direction des relations internationales et des partenariats depuis octobre 2017, répondent à nos questions sur le projet.

(Entretien réalisé en janvier 2018).

En quoi consiste ce programme ?

Demography Statistics for Africa (DEMOSTAF) est un projet européen financé par l’appel à projets Research and innovation staff exchange (RISE) de la Commission européenne. Son objectif : promouvoir la collaboration internationale entre institutions académiques et non académiques autour de la recherche, de la formation et de l’innovation, par le financement de mobilités interinstitutionnelles.

Outre cinq instituts européens que sont l’INED, l’IRD, l’université Paris Nanterre en France, l’université Catholique de Louvain la neuve en Belgique et l’université de Genève en Suisse, DEMOSTAF implique 13 partenaires africains : quatre instituts nationaux de statistiques (Sénégal, Burkina Faso, Mali et Madagascar) ; neuf partenaires académiques situés au Burkina Faso, au Kenya, à Madagascar, au Sénégal et en Ouganda ; et un partenaire académique canadien. Un comité consultatif scientifique associe des experts internationaux sur les thématiques traitées. DEMOSTAF compte une centaine de participants - chercheurs, ingénieurs, doctorants et documentalistes - dont les deux tiers sont impliqués dans des mobilités internationales (qui correspondent à près de 200 mois de mobilité sur les 4 ans du projet).

Quelles sont les thématiques de recherche ?

DEMOSTAF est construit autour de quatre grands thèmes démographiques, centrés sur des questions contemporaines clés, qui s’intègrent aux objectifs de développement durable (ODD) adoptés fin 2015 par les Nations Unies. Le premier volet porte sur les facteurs de la baisse de la fécondité et la promotion de sources de données sur la reproduction ; le second a pour objectif d’améliorer notre connaissance de la transition sanitaire en Afrique subsaharienne dans un contexte de cumul du poids des maladies infectieuses et non transmissibles ; le troisième s’attache à saisir la complexité des familles en Afrique de l’Ouest grâce aux statistiques nationales sur les ménages et le quatrième concerne les défis à venir en matière d’éducation (les enfants en dehors du système scolaire, la question de l’alphabétisation et la catégorie émergente des diplômés de l’enseignement supérieur).

Plus de cinquante bases de données démographiques seront mobilisées. Des activités collectives sont également prévues.

Quelle est l’ambition d’un tel programme ?

Alors même que les pays d’Afrique subsaharienne restent en marge de la transition démographique avec une fécondité toujours élevée et une mortalité qui peine à reculer, c’est dans cette région que les données démographiques et sanitaires font le plus défaut. La mesure des évolutions démographiques se heurte à l’absence de production régulière de données statistiques fiables au niveau national. La majorité des enfants ne sont pas enregistrés à l’état civil à leur naissance et l’enregistrement des décès et de leur cause reste rare dans cette région du monde. DEMOSTAF a pour ambition de valoriser et de consolider les données démographiques africaines, en les articulant avec les données d’opérations de collecte initiées dans les différents programmes de recherche.

Quel bilan tirez-vous de ce projet à mi-parcours ?

Avec près de 100 séjours de mobilités financés dans le cadre du projet, l’organisation de séminaires et d’ateliers en commun ainsi que la participation à de nombreuses conférences, les résultats du projet sont à la hauteur de nos attentes grâce en particulier à l’importante implication des instituts nationaux de statistiques africains qui ont jusqu’à présent soutenu la mobilité de leurs statisticiens pour participer à des projets de recherche, notamment dans le cadre d’ateliers collectifs organisés annuellement.

La coordination d’un projet européen présente toujours des défis, surtout lorsqu’il implique un nombre d’institutions, de participants et de mobilités aussi important, mais les retours des participants sont globalement très positifs, qu’il s’agisse des mobilités vers nos partenaires en Afrique ou vers les organisations européennes. Les deux premières années du projet ont donné lieu à de fructueuses collaborations, avec plusieurs publications conjointes et près d’une vingtaine de communications. DEMOSTAF bénéficie aussi d’une forte visibilité internationale, le projet était notamment sponsor du dernier congrès international de population qui a eu lieu fin octobre 2017 au Cap en Afrique du sud. Toutes ces actions menées ont été saluées par la Project Officer du projet lors de sa venue en septembre 2017 pour l’évaluation à mi-parcours de DEMOSTAF.

C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que l’équipe du projet aborde la seconde période du projet (2018-2019) avec, outre un important programme de mobilités à maintenir, l’organisation d’une conférence internationale qui clôturera le projet en 2019.