Magda Tomasini

La directrice de l’Ined nous présente les orientations stratégiques de l’Ined pour la période 2021-2025.

(Entretien réalisé en mai 2021)

Quelles grandes thématiques structureront la recherche à l’Ined au cours des cinq prochaines années ?

Le projet scientifique de l’Ined s’articulera autour de cinq axes principaux pour la période 2021-2025. Le premier sera dédié aux crises et à leurs interactions avec les phénomènes démographiques et une attention particulière sera portée à la question des relations entre population et environnement. 
Le deuxième axe sera consacré aux enjeux liés aux modalités de l’observation et aux méthodes d’analyse. Les enquêtes et l’usage accru de nouvelles données continuent d’occuper une place centrale et cet axe met aussi en avant deux approches que sont la critique des données et des catégories d’analyse d’une part, et le travail historique d’autre part. 
Sur des grands ensembles thématiques, les trois autres axes – « Faire sa vie : choix, opportunités et contraintes, aux différents âges de la vie » ; « Santé des populations : des progrès également partagés ? » ; « Espace, mobilités et migrations : parcours individuels et politiques publiques » – feront écho aux trois facteurs fondamentaux de la dynamique démographique tout en les renouvelant. 
Certaines questions ou approches, comme la prise en compte du genre ou le recours aux comparaisons internationales, seront transversales à tous ces projets, de même que l’analyse des inégalités de toutes natures qui occupe une place incontournable dans nos recherches. 

La science ouverte occupe une place importante dans ces orientations. Comment l’institut entend-il développer sa politique dans ce domaine ?

L’Ined est engagé de longue date en faveur de la science ouverte, qu’il s’agisse de mise à disposition des données d’enquêtes ou d’accès libre à des publications scientifiques. Nous avons donc souhaité poursuivre cet engagement de manière à rendre les résultats des recherches de l’Ined plus cumulatifs, plus transparents et d’accès plus universel. Les travaux de l’institut portent sur des sujets de société, souvent au cœur des débats publics. Il est donc essentiel d’étendre l’accès aux connaissances de la sphère académique à la société civile, aux décideurs publics et aux citoyens. L’accès en ligne aux publications des éditions de l’Ined et aux données mobilisées dans ces ouvrages sera ainsi élargi, tandis que de nouvelles formes éditoriales seront expérimentées. Concernant la mise à disposition des données d’enquêtes et des grandes bases de données démographiques, l’Ined s’est doté en 2019 d’un Datalab dont le site web dédié a tout récemment été mis en ligne, apportant une meilleure visibilité aux données de l’Ined. Le processus de documentation des données sera optimisé et un inventaire des données d’enquêtes non encore mises à disposition devrait être réalisé. L’ensemble des actions entreprises s’inscrira dans une démarche d’ouverture raisonnée, en veillant au respect des droits des enquêtés. Parallèlement, le développement de l’archive ouverte Archined sera poursuivi. 
Déjà inscrit dans le plan national pour la science ouverte (PNSO), l’Ined pourrait, en raison de son interdisciplinarité mais aussi des spécificités des sciences sociales, préparer son Plan pour la science ouverte. 

L’Ined s’est positionné comme tête de réseau ces dernières années. Comment envisagez-vous de poursuivre son rôle dans l’animation de la recherche française en sciences de la population ?

Plus qu’un positionnement, c’est une réalité ! L’Ined est porteur d’un labex et de deux équipements d’excellence, il est partenaire de trois écoles universitaires de recherche et d’un Institut Convergences. Il travaille avec les plus grands établissements de recherche et d’enseignement supérieur en sciences de la population, en Europe et en dehors de l’Europe, et est engagé dans de multiples projets et réseaux ainsi que dans la plupart des initiatives européennes d’envergure concernant les sciences de la population. L’institut entend donc poursuivre son rôle d’animation de la recherche au cours de la période 2021-2025 grâce à ses nombreux partenariats mais aussi par son action en matière de formation à la recherche par la recherche, en dispensant des formations en master et en école doctorale, en accueillant et en encadrant des doctorants et en proposant des contrats postdoctoraux aux chercheurs en début de carrière. Le suivi de l’insertion professionnelle des jeunes chercheurs accueillis par l’Ined sera renforcé et un soutien aux chercheurs souhaitant s’engager dans une habilitation à diriger des recherches sera mis en place. 
Par ailleurs, l’expertise en matière de traitements statistiques et de méthodologie d’enquête de l’Ined lui confère un rôle majeur dans le partage des connaissances en termes de méthodologie d’analyse statistique et de méthodes d’enquêtes, mais aussi pour les expérimentations en sciences sociales autour des Big Data et des données de santé. Les données devront être rendues plus rapidement utilisables par les chercheurs et le catalogue des enquêtes sera rénové, en lien avec le consortium Quetelet-PROGEDO Diffusion.
L’implantation du siège de l’Ined sur le site d’Aubervilliers favorisera enfin, aux côtés des établissements membres, sa contribution à la vie scientifique du Campus Condorcet.

Quelle sera la stratégie de l’Ined à l’international dans les cinq années à venir ?

Les chercheurs de l’Ined sont très investis dans des réseaux internationaux et travaillent en étroite collaboration avec des chercheurs du monde entier. Au cours des cinq prochaines années, nous souhaitons encourager, encore davantage, la mobilité internationale de nos chercheurs, de même que l’accueil de chercheurs venant de l’étranger, et accentuer la visibilité des opportunités de recrutement offertes par l’Ined en les relayant mieux auprès de la communauté scientifique internationale. Par ailleurs, nous espérons accueillir sur le Campus Condorcet à la rentrée académique 2023 l’European Doctoral School of Demography (EDSD) dont l’institut est partenaire depuis sa création.
Pour accroître son rayonnement, l’Ined développera également la diffusion de ses publications à l’international, en proposant, entre autres, un plus grand nombre d’ouvrages en langue anglaise. Enfin, de nouveaux partenariats seront établis, par le biais, notamment, des réponses aux appels à projets européens et internationaux.

Développer le lien entre la science et la société fera-t-il toujours partie des enjeux importants pour l’institut ?

Absolument, cela fait même partie intégrante des missions de l’Ined que de diffuser la culture scientifique et les connaissances acquises dans le champ des sciences de la population au-delà de la sphère académique. Les résultats de nos travaux de recherche sont d’ailleurs régulièrement mobilisés pour apporter des éléments de compréhension de la société et pour lutter contre la désinformation. Nous désirons renforcer le lien entre les sciences de la population et la société en organisant notre action autour de trois objectifs principaux :  éclairer le débat public sur de grands sujets de société, développer la culture scientifique et lutter contre l’innumérisme et, enfin, créer les conditions d’un échange avec le monde non-académique. 
Nous envisageons par exemple de développer des supports pédagogiques pour expliquer la fabrique de la recherche et des données, de nouer de nouveaux partenariats avec des professionnels de la médiation scientifique, de rendre encore plus visibles et accessibles les résultats de la recherche aux décideurs publics ou encore d’ouvrir davantage les séminaires et conférences aux acteurs non-académiques... En parallèle, l’Ined continuera de développer des actions de recherche participative fondées sur des partenariats avec des associations et des acteurs de terrain.

Comment l’établissement va-t-il s’adapter pour répondre à ces nouveaux enjeux ?

Ces nouvelles orientations stratégiques sont ambitieuses et répondent à de véritables enjeux de société. Pour les mener à bien, un nouveau contrat d’objectifs et de performance est en cours d’élaboration et des échanges avec les deux ministères de tutelle de l’institut sont engagées afin d’identifier les moyens nécessaires à leur mise en œuvre. En outre, les activités d’appui et de support qui participent, tant en amont qu’en aval, à l’accompagnement à la recherche seront renforcées. Dans cette perspective, l’accompagnement à la recherche sera plus particulièrement orienté dans le sens de la modernisation, la simplification et le partage des procédures et outils de gestion, de son adaptation au numérique et du développement d’une veille technologique, ainsi que du développement de la communication interne. Enfin, au cours de la période 2021-2025, l’Ined impulsera une démarche globale et transversale pour répondre aux enjeux de la responsabilité sociétale et environnementale (RSE) de l’institut dans l’exercice de ses missions.