Patrick Simon

dresse un bilan des politiques d’intégration en Europe.

Le processus d’harmonisation des politiques d’intégration a été engagé au niveau européen par le conseil européen de Tampere en 1999 et la définition de « principes communs » pour l’intégration des immigrés en 2004. De nombreux programmes ont suivi pour construire une approche commune d’un sujet abordé de façon très diverse entre les pays d’immigration ancienne (Europe de l’Ouest et du Nord) et récente (Europe du Sud), et surtout entre les pays assimilationnistes, comme la France, ou ceux qui valorisent le multiculturalisme, comme la Suède et la Grande-Bretagne, ou l’ont valorisé comme les Pays-Bas.

Qu’est-ce qu’une politique d’intégration ?

Les principaux dispositifs des politiques d’intégration portent sur la formation linguistique pour que les immigrés maîtrisent la langue du pays d’installation et des programmes d’accompagnement social dans les premières années de résidence dans les domaines du logement, du travail, de l’éducation et de l’accès aux droits. Les objectifs sont la plupart du temps d’aider à l’autonomisation des immigrés tout en suscitant l’adoption des normes et valeurs de la société d’installation. Cette seconde dimension, très subjective, a pris une place de plus en plus importante dans les sociétés européennes qui doutent de leur cohésion et qui s’inquiètent des transformations provoquées par l’installation durable des immigrés. Les politiques d’intégration sont ainsi devenues beaucoup plus coercitives, avec la mise en place de tests pour mesurer l’effectivité de l’apprentissage de la langue ou de l’adoption de normes culturelles pour l’accès à certaines droits et aides sociales. L’obtention des titres de résidents a été subordonnée à des « preuves d’intégration », tandis que les procédures de naturalisation se sont durcies.

Quelle est la situation en Europe et en France aujourd’hui ?

Des changements déterminants se sont produits dans la dernière décennie modifiant complètement le paysage des politiques d’intégration : les Pays-Bas ont littéralement abandonné leur politique multiculturaliste et ont adopté des programmes visant à l’assimilation des immigrants par l’adoption des normes et valeurs culturelles et sociales néerlandaises ; la Grande-Bretagne conserve une approche multiculturelle mais le gouvernement conservateur insiste sur le rôle central de l’identité britannique et abandonne une grande partie des politiques de lutte contre les discriminations qui constituaient un modèle en Europe ; l’Allemagne mène de front une politique d’intégration relativement assimilationniste, notamment avec l’ouverture à la nationalité pour les immigrés installés de longue date et surtout leurs enfants nés en Allemagne, et une politique de lutte contre les discriminations encore balbutiante.

Ces changements d’approche politique font écho aux profondes transformations qui ont affecté la politique française. Un processus de « refondation de la politique d’intégration » a été engagé au début de la présidence de François Hollande en 2012. Il a débouché sur une dissociation entre les programmes dédiés aux primo-migrants pendant les cinq années après leur arrivée qui relèvent de la politique d’intégration et les actions concernant les immigrés installés de longue date et leurs descendants nés en France qui relèvent elles de la politique de lutte contre les discriminations et sont assurées par les politiques sectorielles (éducation, emploi, logement, politique familiale etc). Cependant, le transfert des actions autrefois ciblées sur les immigrés et leurs descendants vers les politiques de droit commun ne s’est pas accompagné de financements spécifiques et les publics concernés ne sont pas identifiés par les institutions en charge des politiques, si bien que la politique d’intégration n’a pas été remplacée par des programmes prenant en charge la situation des immigrés et de leurs descendants. La décentralisation des programmes n’est par ailleurs pas supervisée par une structure de coordination, ce qui interdit le suivi et l’évaluation de ces programmes. Ce sont les conclusions auxquelles est parvenue l’équipe de l’Ined participant au projet européen «Upstream sur le « mainstreaming des politiques d’intégration » aux Pays Bas, France, Espagne, Grande-Bretagne et Pologne, coordonné par l’Université Erasmus à Rotterdam et financé par le Fonds Européen pour l’Intégration.

 

Mise en ligne : 26 octobre 2015