La mortalité par cancer en France
Des inquiétudes pour les femmes dans la lutte contre le cancer
La mortalité par cancer a décliné régulièrement pour les hommes, mais son recul est plus lent (de moitié) que celui des maladies cardiovasculaires. La baisse du taux comparatif a en effet seulement atteint 15 % entre 2005 et 2015, soit un rythme comparable à celui observé au cours de la décennie précédente (1995-2005). Chez les femmes, la diminution, déjà très faible entre 1995 et 2005 (– 7 %), a été négligeable au cours de la dernière décennie : en 2015 le taux comparatif de mortalité par cancer n’est inférieur que de 3 % à son niveau de 2005. C’est la seule grande cause de décès pour laquelle la baisse a été sensiblement plus faible pour les femmes que pour les hommes, même si le taux comparatif de mortalité par cancer demeure très inférieur à celui des hommes, soit 116 pour 100 000 contre 211 pour 100 000 en 2015. En 2015, ces maladies représentent 37 % du taux comparatif de mortalité tant pour les hommes que pour les femmes. C’est la première cause de décès en France depuis les années 1980 pour les hommes, depuis 1999 pour les femmes.
La principale raison de l’évolution différentielle selon le sexe tient à des divergences en matière de comportements tabagiques. Tandis que la proportion de fumeurs réguliers parmi les hommes âgés de 15 ans et plus a diminué jusqu’en 2010, de 70 % au milieu des années 1950 à un peu plus de 30 % en 2010, elle a augmenté régulièrement pour les femmes, de moins de 10 % à plus
de 25 % pendant la même période (Guignard et al., 2015 ; Hill et Laplanche, 2005). Depuis 2010, le tabagisme masculin est toutefois resté stable, avec 32 % de fumeurs réguliers en 2010 comme en 2014, tandis que le tabagisme féminin diminuait (de 26 % à 24 %). La baisse de la consommation de tabac chez les femmes est toutefois trop récente pour se traduire par une baisse concomitante de la mortalité par cancer. De fait, la mortalité par tumeur du larynx, du poumon ou des bronches, principale cause de décès dus au tabac, a augmenté de 37 % chez les femmes au cours des dix dernières années, exactement autant qu’au cours de la décennie précédente (1995-2005). Ceci représente un doublement du taux comparatif de mortalité pour cette cause, d’à peine plus de 100 pour 100 000 en 1995 à presque 200 pour 100 000 en 2015. Pour les hommes, ce taux a au contraire diminué d’un quart, passant de plus de 800 à moins de 600 pour 100 000 au cours des deux dernières décennies. La proportion de fumeurs ou d’anciens fumeurs parmi les hommes continue toutefois à dépasser largement celle des femmes, ce qui explique que le taux comparatif de mortalité masculin pour ce type de cancer est encore trois fois plus élevé que le taux féminin.
Les cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS) et de l’œsophage, également fortement liés au tabagisme, connaissent aussi une nette hausse pour les femmes (augmentation depuis 2005 des taux comparatifs de 4 % pour les VADS et de 12 % pour l’œsophage), ce qui n’est pas le cas pour les hommes (baisse de 25 % environ pour chacun de ces taux). Enfin, le ralentissement de la baisse de la mortalité par cancer du sein (qui n’a atteint que 10 % entre 2005 et 2015 contre 12 % entre 1995 et 2005) et l’absence de progrès concernant la mortalité par cancer de l’utérus (après une baisse de 15 % du taux comparatif entre 1995 et 2005) pourraient être au moins en partie attribuables à l’augmentation continue du tabagisme féminin pour les générations aujourd’hui âgées de 45 ans et plus (Guignard et al., 2015). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère que le décalage entre le pic du tabagisme dans une population et ses effets épidémiologiques les plus marqués est d’environ trente ans. Les femmes qui décèdent donc aujourd’hui de cancers liés à leur consommation de tabac antérieure appartiennent aux générations nées avant 1970. Une quinzaine de localisations (au premier rang desquelles figurent pour les femmes le sein, puis le côlon-rectum, le poumon et, plus loin derrière le corps de l’utérus) sont directement concernées (Marant-Micallef et al., 2018).
D’autres cancers ont toutefois évolué très favorablement, en particulier le cancer de l’estomac, dont le taux comparatif de mortalité a diminué de 21 % depuis 2005 pour les hommes comme les femmes, et pour les hommes, le cancer de la prostate a reculé de 27 % au cours de la même décennie. Le cancer de la prostate est le seul cancer pour lequel on observe une accélération des progrès depuis vingt ans. Cette baisse tient aux progrès du dépistage, du diagnostic et des traitements ainsi qu’à l’évolution favorable des comportements tabagiques masculins (Grosclaude et al., 2016).
Source : Didier Breton, Magali Barbieri, Nicolas Belliot, Hippolyte d’Albis, Magali Mazuy, 2019, L’évolution démographique récente de la France : une singularité en Europe ?, Population 2019-4.
Contacts : Didier Breton, Magali Barbieri, Nicolas Belliot, Hippolyte d’Albis, Magali Mazuy
Mise en ligne : janvier 2020