Un recours aux traitements de l’infertilité de plus en plus tardif

En France, un couple sur quatre ne parvient pas à obtenir une grossesse après 12 mois d’essai. Même en cas d’infertilité d’origine masculine, ce sont les femmes qui suivent des traitements. Mais quelle est la proportion de femmes traitées ? En utilisant les données de l’assurance maladie française qui sont aujourd’hui accessibles à la recherche, Khaoula Ben Messaoud, qui vient de soutenir sa thèse, Elise de La Rochebrochard, chercheure à l’Ined, et Jean Bouyer, épidémiologiste à l’Inserm, ont pu mesurer le recours annuel aux traitements de l’infertilité. Il s’agit de la première estimation au monde réalisée sur une vaste population et prenant en compte tous les traitements de l’infertilité. Entre 2008 et 2017, 1,25% des femmes de 20-49 ans étaient traitées pour infertilité chaque année (plus de 150 000 femmes chaque année). Au cours de la dernière décennie, le recours au traitement de l’infertilité est devenu de plus en plus tardif : ce taux ayant augmenté de 24% chez les femmes de 34 ans ou plus.

Plus d’une femme sur cent traitée pour infertilité chaque année dans la population française

Le recours global aux traitements de l’infertilité était jusqu’alors méconnu. Plusieurs traitements médicaux existent pour aider les femmes à concevoir : induction de l’ovulation, procréation médicalement assistée (PMA) incluant l’insémination artificielle, et la fécondation in vitro avec ou sans Injection Intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI). On sait maintenant que chaque année, entre 2008 et 2017, 1,25% des femmes de 20-49 ans ont été traitées pour infertilité en France, ce qui représente plus de 150 000 femmes traitées pour infertilité chaque année en France. Cette étude unique a été possible car tous les traitements de l’infertilité sont pris en charge en France par l’assurance maladie et sont donc enregistrés dans ses bases de gestion qui s’ouvrent désormais à la recherche. Dans cette étude, tous les traitements de l’infertilité ont été pris en compte, les techniques de procréation médicalement assistées (PMA) mais également les traitements d’induction de l’ovulation qui sont les traitements de première intention et pour lesquels on savait très peu de choses. Par ailleurs, grâce à la très bonne couverture de l’ensemble de la population par l’assurance maladie française, ces données permettent de mesurer l’évolution du recours aux traitements à grande échelle et sur le long terme.

Les traitements de l’infertilité en augmentation de 24 % chez les femmes de 34 ans ou plus

L’évolution du taux de recours aux traitements de l’infertilité en fonction de l’âge au cours de la dernière décennie en France (Figure) permet d’observer deux tendances allant a priori en sens opposé. Chez les femmes jeunes, le recours est assez stable bien que l’on observe une légère baisse (Figure : la courbe de 2017 se situe sous la courbe de 2008) tandis que chez les femmes de 34 ans ou plus, on observe au contraire un bond de 24 % (Figure : la courbe de 2017 se situe très nettement au-dessus de celle de 2008). Ces deux tendances sont pourtant tout à fait cohérentes et reflètent l’une et l’autre le phénomène de parentalité de plus en plus tardive dans les pays développés, un mouvement qui s’est amorcé au début des années 1970. Ainsi, les femmes jeunes essaient moins souvent d’avoir des enfants, mais l’effet sur le recours aux traitements de l’infertilité est faible car à ces âges, l’infertilité est moins fréquente. Au contraire, les femmes de plus de 34 ans essaient plus souvent d’avoir des enfants, et l’infertilité augmentant fortement à ces âges, cela entraîne la forte augmentation (24%) du recours aux traitements de l’infertilité à ces âges plus élevés.

Un enjeu important de santé publique

Cette augmentation des traitements de l’infertilité après 34 ans soulève d’importantes questions car l’efficacité des traitements diminue fortement avec l’âge. Le corps médical et les pouvoirs publics devraient prendre en compte cette tendance sociétale dans le temps long, afin d’accompagner au mieux ces couples. En développant un système de surveillance du recours aux traitements de l’infertilité, les politiques publiques de santé pourraient mieux orienter les stratégies nationales pour prévenir et prendre en charge l’infertilité, qui apparaît de plus en plus comme un problème de santé majeur à l’âge adulte.

MÉTHODOLOGIE

Par décret du Conseil d’État (délibération n°2016-316 du 13 octobre 2016), l’Ined a obtenu un accès permanent aux données de l’assurance maladie dans le cadre de ses missions de recherche. Ce travail a été mené à partir de l’« échantillon généraliste des bénéficiaires » (EGB), qui est un très large échantillon représentatif de la population générale mis en place en 2005 et incluant 1% de l’ensemble des personnes affiliées à l’assurance maladie française. Cette étude a été effectuée sur la période entre 2008 et 2017, sur la population des femmes âgées de 20 à 49 ans. Cela représente plus de 100 000 femmes par an dans l’échantillon. Pour chaque année, une femme a été classée comme ayant été traitée pour infertilité si elle a été remboursée pour au moins un médicament ou une procédure de traitement de l’infertilité durant l’année.

 

Sources :

Khaoula Ben Messaoud, Jean Bouyer et Elise de La Rochebrochard, 2020, "Infertility Treatment in France, 2008–2017: A Challenge of Growing Treatment Needs at Older Ages", American Journal of Public Health 110: 1418-1420. Article librement accessible : doi.org/10.2105/AJPH.2020.305781

Mise en ligne : janvier 2021