Un accès à la propriété de plus en plus inégal pour les jeunes ménages

A partir des enquêtes Logement de l’Insee, les auteurs analysent l’accroissement des disparités d’accès à la propriété chez les jeunes ménages (25-44 ans) primo-accédants, dans une perspective historique longue de 1973 à 2013, en France métropolitaine.

Derrière l’apparente stabilité des taux moyens d’accession à la propriété dans l’ensemble de la population, se cachent des inégalités croissantes entre les ménages selon leur niveau de vie.
Le taux de propriétaires chez les jeunes ménages modestes – les ménages appartenant au 1er quartile de niveau de vie, c’est-à-dire les 25 % plus pauvres, a décru, passant de 34 % en 1973 à 16 % en 2013.
Au contraire, il a augmenté pour les jeunes ménages aisés – ceux du dernier quartile de niveau de vie, passant de 43 % à 66 %.

L’écart de richesse immobilière acquise

L’écart de prix moyen d’achat du logement entre ménages modestes et ménages aisés s’est accru dans le courant des années 1990 – jusqu’à atteindre un écart du simple au double -, puis a diminué pour atteindre un prix moyen d’achat supérieur d’un tiers pour les plus aisés. En 2013, le prix moyen des logements achetés s’élève à 174 000 euros pour les ménages les plus modestes, contre 235 000 euros pour les plus aisés.
Le volume de valeur immobilière acquis par les plus modestes est très nettement inférieur à celui des plus aisés : en 2013, il est cinq fois plus faible. L’augmentation des taux d’intérêt réels à la fin des années 1980 ainsi que le doublement des prix de l’immobilier entre 1996 et 2010 comptent parmi les facteurs de ces inégalités croissantes d’accès à la propriété chez les 25-44 ans.

Des aides familiales déterminantes pour faciliter l’achat, et inégalement réparties

Les aides familiales, directement mises en place dans le cadre d’un projet d’achat (donation, prêt) ou y ayant indirectement contribué (don antérieur, mise à disposition d’un logement lors des années précédant l’acquisition), ont un rôle déterminant dans l’accession à la propriété. Au moment de l’achat, près de quatre premiers propriétaires de moins de 45 ans sur dix ont été aidés par leur famille. Les aides sont toutefois moins fréquentes pour les ménages modestes, et peuvent s’avérer insuffisantes pour compenser les difficultés d’accès à la propriété, notamment depuis la hausse des prix de l’immobilier.
Alors que la proportion de ménages aidés a stagné, voire diminué parmi les plus modestes au cours des années 2000, elle a augmenté parmi les ménages plus aisés.

Une diminution de la propriété rurale parmi les plus modestes

La proportion de ménages modestes détenteurs d’une propriété en zone rurale a nettement diminué (de plus d’un tiers des propriétaires en milieu rural en 1970 à seulement 11 % en 2013), quand l’accès à la propriété en zone urbaine est resté plus élevé pour les plus aisés sur l’ensemble de la période.

De nouvelles configurations familiales

En 40 ans, les structures familiales des jeunes ménages modestes se sont modifiées. La proportion de familles monoparentales a été multipliée par trois. Elle est de 29 % en 2013, quand elles n’étaient que de 9 % en 1978. Parallèlement, au sein de ces ménages, la proportion de couples sans enfant a considérablement augmenté. Elle était de 78 % en 1978 mais n’est plus que de 38 % 35 ans plus tard. Les couples avec enfants ayant une propension plus élevée à accéder à la propriété que les familles monoparentales, cette évolution contribue à expliquer la baisse du taux de propriétaires constatée en quatre décennies parmi les plus modestes.

Source : Carole Bonnet, Bertrand Garbinti, Sébastien Grobon, 2017, Inégalités d’accès à la propriété et de richesse immobilière au sein des jeunes en France, 1973-2013, Document de travail.

Carole Bonnet, Bertrand Garbinti, Sébastien Grobon, 2018, Hausse des inégalités d’accès à la propriété entre jeunes ménages en France, 1973-2013, Économie et Statistique / Economics and Statistics n° 500-501-502.

Contact : Carole Bonnet, Bertrand Garbinti, Sébastien Grobon

En ligne : octobre 2018