Heini Väisänen

Heini Väisänen, chercheure à l’Ined, vient d’obtenir une bourse de l’European Research Council (ERC), l’un des dispositifs de financement de la recherche les plus prestigieux et les plus sélectifs en Europe, pour son projet de recherche SOC-MISC (Social Inequalities in the Risk and Aftermath of Miscarriage - Inégalités sociales face au risque et aux suites de fausses couches). Elle a répondu à nos questions.

(Entretien réalisé en décembre 2022)

En quoi consiste le projet SOC-MISC ?

Le projet porte sur les inégalités sociales face au risque et aux suites de fausses couches (SOC-MISC pour Social inequalities in the risk and aftermath of miscarriage). Nous voulons déterminer si les inégalités sociales augmentent le risque de faire une fausse couche, ou accentuent les conséquences en matière de santé mentale et physique, ou les deux. Pour ce qui est du premier point, l’existence d’inégalités sociales pourrait signifier que les caractéristiques individuelles d’une personne, telles que l’éducation, la classe sociale ou le revenu, sont associées à un risque de fausse couche, par exemple en raison d’un niveau de stress plus intense, d’un état de santé général moins bon ou d’un âge plus avancé lors de la grossesse. Le lieu de résidence peut aussi avoir une importance si, par exemple, l’accès aux soins de santé est moins bon dans certaines régions par rapport à d’autres.

Le second objectif consiste à déterminer si les caractéristiques socioéconomiques d’une personne sont associées à un risque de conséquences négatives accrues sur la santé mentale et physique après une fausse couche. Cela pourrait être lié à un accès restreint aux soins de santé, à l’absence de réseaux de soutien et/ou à un état de santé globalement moins bon chez les personnes socioéconomiquement désavantagées ou vivant dans des zones défavorisées.

Tout au long du projet, nous comparerons différents contextes (en Finlande, en France et au Royaume-Uni) et mènerons des analyses longitudinales en tenant compte du stade du stade de vie des personnes examinées. Les facteurs de risque et les conséquences des fausses couches chez les jeunes sont susceptibles de différer par rapport aux femmes plus proches de la fin de leur vie reproductive.

Il est important de noter qu’avant de procéder à ces analyses, nous traiterons les questions méthodologiques qui affectent la recherche menée sur les fausses couches. Il s’agit en premier lieu du manque de données complètes sur les fausses couches en raison de leur sous-déclaration lors des enquêtes. Mentionnons également l’absence de consignation de certaines fausses couches dans les dossiers administratifs de santé en raison de pratiques d’enregistrement insuffisantes et/ou de la tendance de certaines personnes à ne pas utiliser les services de santé. Nous allons trianguler les données administratives et les données d’enquête pour mieux comprendre les omissions dans chacune. Il existe aussi des modèles statistiques qui peuvent corriger ces biais, ce qui permettra, pour la première fois, de produire des statistiques fiables sur les fausses couches.

Quels recherches et travaux la bourse « ERC Starting Grant 2022 » va-t-elle vous permettre de conduire ?

Elle me permettra de collaborer avec des chercheurs dans les trois pays du projet (Finlande, France et Royaume-Uni), d’engager une petite équipe dans chaque pays pour analyser ces questions et d’accéder aux divers ensembles de données administratives et d’enquête dont nous avons besoin. La bourse financera également la diffusion des travaux, aussi bien auprès de la communauté scientifique que des décideurs politiques.

Les résultats qui seront obtenus ont-ils vocation à contribuer à l’élaboration de politiques publiques ?

Oui, c’est l’une des principales finalités du projet. Des propositions de loi ont été présentées par les parlements français et britannique pour améliorer la prise en charge des fausses couches. Nous voulons apporter des preuves scientifiques pour étayer ces propositions et les projets à venir dans ce domaine. Cela pourrait consister, par exemple, à s’attaquer aux facteurs de risque de fausses couches pouvant être modifiés ou à réduire les conséquences négatives les plus répandues sur le plan de la santé physique et mentale. Les statistiques plus fiables que nous produirons sur les fausses couches seront également utiles aux décideurs politiques.