Sophie Pennec et Richard Marcoux

nous parlent de l’Association internationale des démographes de langue française (AIDELF) et de la francophonie, à l’occasion de la journée de la langue française.

Démographe et directrice de recherche à l’Ined, Sophie Pennec est également secrétaire générale et trésorière de l’AIDELF. Richard Marcoux, professeur titulaire au département de sociologie de l’université Laval au Canada, est directeur de l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF). Il est aussi membre du bureau de l’AIDELF.

(Entretien réalisé en mars 2020)

Quelles sont les activités de l’Association internationale des démographes de langue française ?

L’AIDELF, depuis sa création en 1977, regroupe des démographes et des spécialistes de diverses disciplines donnant une orientation démographique à leurs travaux. Avec près de 300 membres répartis dans une soixantaine de pays, l’association œuvre à la transmission du savoir scientifique en français, promeut la démographie et ses applications et diffuse des connaissances en matière de population. Elle soutient l’usage du français dans les réunions internationales, les échanges scientifiques et les publications (via l’édition d’ouvrages et de revues scientifiques).

L’AIDELF a toujours reçu un soutien important de l’Ined ; à la fois institutionnel et financier. Ainsi, l’Ined héberge dans ses locaux le secrétariat général de l’association et offre une contribution financière à la gestion courante d’AIDELF de même qu’à l’organisation de colloques.

L’AIDELF organise en effet des colloques internationaux en langue française sur un thème d’actualité dans le domaine de l’étude des populations. Après le colloque « Comment vieillissons-nous ? » à Louvain-la-Neuve en 2018, le prochain colloque de l’AIDELF, « Démographie et crises », devrait se tenir à Athènes au printemps 2021.
Parmi les intervenants, une vingtaine de jeunes chercheurs et de chercheurs de pays du Sud qui bénéficient d’un financement de l’AIDELF interviendront lors de ce colloque, comme lors des éditions précédentes.

L’AIDELF est inséré dans un réseau d’associations, d’instituts de statistiques, un réseau qui prend la forme de différents partenariats. L’AIDELF a ainsi proposé une table ronde lors d’un colloque de l’Association internationale des sociologues de langue française (AISLF) et, inversement, l’AISLF comptait parmi les intervenants au colloque de l’AIDELF de 2018.
L’AIDELF a également noué d’étroites collaborations avec l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF).

En quoi consiste l’ODSEF ? Comment l’espace francophone est-il défini ?

Créé en 2009, l’ODSEF, qui est situé à l’université Laval, à Québec au Canada, assure la mise en valeur des données issues des recensements dans les pays francophones et étudie les dynamiques démo-linguistiques, de même que la place de la langue française dans le monde.

Partant de la définition de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), selon laquelle toute personne capable de s’exprimer en français est francophone, et se basant sur les données de plus d’une centaine de pays, l’ODSEF établit et publie tous les quatre ans des estimations du nombre de francophones dans le monde : 308 millions en 2020.
Parmi eux, dans une acception plus stricte, 242 millions sont considérés comme « vivant en français ». Il s’agit d’individus échangeant tous les jours en français ou qui résident pour la plupart dans un pays où le français a le statut de langue officielle. Il y a dix ans, ils étaient 199 millions. On observe que le cœur de la francophonie s’est déplacé puisque 91% de cette augmentation de 43 millions de francophones concerne le continent africain (une hausse du fait de la croissance démographique d’une part, mais aussi, d’autre part, des investissements dans le domaine de l’éducation, l’instruction y étant dispensée en français).

L’espace francophone est en constante évolution, de plus en plus multilingue, à l’image d’un certain nombre des membres du bureau de l’AIDELF dont le français n’est pas la langue maternelle. C’est un environnement enrichissant pour la langue française qui se modifie. Nous pouvons donc dire que la francophonie est plurielle. On estime qu’au cours des prochaines années le nombre de francophones, au sens large, va encore progresser et qu’il pourrait se situer dans une fourchette large, entre 500 et 800 millions en 2070.