Violences sexuelles : l’Ined montre que les hommes aussi sont victimes, souvent très jeunes

Auteure : Lucie Wicky

Les violences sexuelles à l’encontre des hommes, encore peu visibles, surviennent majoritairement durant l’enfance et sont principalement commises par des hommes connus des victimes. Dans ce nouveau numéro de Population & Sociétés, Lucie Wicky, qui a mené sa thèse à l’Ined, s’appuie sur les données de l’enquête Virage (Violences et rapports de genre) pour analyser ces violences. Famille, école, loisirs : les agresseurs sont le plus souvent des proches, exerçant une autorité sur les victimes. Cette étude apporte des éléments précis sur les contextes, les auteurs et les répercussions de ces violences.

Des violences concentrées dans l’enfance
L’enquête Virage montre que 1,4 % des hommes déclarent avoir subi des violences sexuelles relevant du viol ou de l’agression sexuelle au cours de leur vie. Parmi eux, 80 % ont été agressés durant leur minorité, souvent avant l’âge de 14 ans, et pour un tiers, avant 10 ans. Contrairement aux femmes, davantage exposées à l’âge adulte, les violences sexuelles subies par les hommes s’inscrivent dans une période de vie plus courte.

Des agresseurs masculins et proches
Dans 83 % des cas, les auteurs des violences sont des hommes. Plus de quatre victimes sur dix ont été agressées par un membre de leur proche entourage, dont 16 % par un membre de leur famille, selon les cas déclarés. L’agression est le plus souvent perpétrée par une seule personne, mais un tiers des victimes évoquent plusieurs hommes auteurs. Alors que, dans la petite enfance, les violences ont lieu le plus souvent dans la famille ou l’entourage familial, à l’adolescence, les agressions ont alors souvent lieu dans le milieu scolaire, durant les loisirs ou dans le cercle amical masculin.

Des violences graves et perçues comme graves
Près de la moitié des hommes concernés par des violences par un membre de la famille déclarent avoir été violés, souvent de manière répétée. Près des deux tiers des hommes victimes considèrent les violences sexuelles subies comme marquantes et graves, indépendamment de leur qualification juridique. 

Un cumul de violences fréquent
Près de 30 % des hommes ayant subi des violences sexuelles ont aussi été exposés à d’autres formes de violences, notamment psychologiques ou physiques. Ce cumul est particulièrement fréquent dans l’entourage familial, où le lien de « confiance » avec l’auteur et l’autorité qu’il exerce sur le garçon jouent un rôle clé dans le maintien du silence.

Un enjeu de reconnaissance
Si la parole des hommes victimes est davantage entendue depuis quelques années, elle reste freinée par des normes sociales de genre et des rapports de domination, notamment liés au sexe et à l’âge. Les entretiens mettent en évidence que les témoignages des garçons ont été souvent ignorés durant l’enfance, y compris dans leur entourage proche. Ce n’est qu’à l’âge adulte que leurs récits sont davantage crus. Reconnaître l’existence de ces violences dès l’enfance est donc un enjeu essentiel pour renforcer leur prévention et leur prise en charge.