20 ans de Pacs : un essor considérable

Depuis sa création en 1999, le Pacte civil de solidarité (Pacs) a connu un essor quantitatif considérable. En l’espace de quelques années, le nombre de Pacs a augmenté au point de se rapprocher du nombre annuel de mariages. Wilfried Rault, chercheur à l’Ined, nous éclaire sur les grandes évolutions du Pacs depuis 20 ans, en s’appuyant sur plusieurs sources et en particulier l’enquête « Étude des Parcours Individuels et Conjugaux » (Epic) réalisée conjointement par l’Ined et l’Insee. Celle-ci a permis d’approfondir de manière inédite l’analyse du Pacte civil de solidarité, notamment en caractérisant les différences entre les personnes mariées et les personnes pacsées et en permettant de mieux cerner les divers usages de ce type d’union.

Les grandes évolutions du Pacs depuis 1999

Selon les statistiques du ministère de la Justice et de l’Insee, le nombre de Pacs a connu une croissance importante depuis 1999. Tandis qu’environ 20 000 Pacs étaient enregistrés chaque année au cours des premières années (dont 1/4 par des couples de même sexe), on a compté en 2017 193 950 Pacs, dont 186 614 par des couples de sexe différent (96,2 %). En revanche, le mariage est en déclin depuis 50 ans. Alors qu’on comptait plus de 400 000 mariages au début des années 1970, ce chiffre est passé sous la barre des 300 000 en 1983 pour atteindre 233 915 en 2017 dont 226 671 entre personnes de sexe différent. Si les deux formes d’union sont concurrentes, elles sont aussi parfois complémentaires. Environ la moitié des dissolutions de Pacs sont liées à un mariage. Le Pacs peut permettre de bénéficier de certains droits sans avoir recours d’emblée au mariage qui peut sembler prématuré ou d’opter pour une forme d’union perçue comme une première forme d’engagement, l’horizon du mariage étant plus lointain. Apparait ainsi une diversification des trajectoires conjugales dont la combinaison Pacs + mariage est une figure. L’ouverture du mariage aux couples de même sexe en 2013 n’a pas modifié massivement le nombre annuel des Pacs enregistrés par ces couples. Le phénomène confirme ce qui était déjà observable pour les couples de sexes différents : les deux dispositifs trouvent leur raison d’être.

Des différences entre les personnes pacsées et les personnes mariées

L’enquête Epic réalisée auprès de 7 825 personnes de 26 à 65 ans, a permis de comparer les personnes en union en 2013-2014 qui se sont pacsées ou mariées depuis la création du Pacs en 1999. Les écarts entre les deux groupes ne sont pas considérables concernant les caractéristiques sociales alors qu’ils étaient importants aux débuts du Pacs. En revanche, ils sont un peu plus marqués dès lors que l’on aborde des aspects relatifs aux trajectoires familiales et conjugales des individus : les pacsés sont plus souvent sans enfant que les mariés (27 % vs 11 %) et lorsqu’ils en ont, c’est plus souvent un seul. Cette observation peut tenir au fait que les dispositions du texte de loi sur le Pacs sont circonscrites au couple contrairement au mariage dont certaines dispositions concernent la parentalité et la filiation. Par ailleurs, les pacsés, bien que plus jeunes en moyenne, indiquent plus souvent que les mariés avoir déjà eu des relations avant l’union en cours. Pour 31 % des pacsés, l’union actuelle est une « première relation de couple ou relation amoureuse importante » tandis que c’est le cas pour 45 % des personnes mariées. L’enquête Epic permet également d’explorer d’autres caractéristiques individuelles telles que la distance à la religion et le positionnement politique. Les pacsés sont plus souvent sans religion (38 %) que les mariés (26 %). Dans le domaine politique, le contraste tient au fait que les pacsés sont un peu plus nombreux et nombreuses à se positionner « à gauche » ou « très à gauche » tandis que les mariés se disent plus souvent « sans opinion politique » (30 % vs 21 %). D’autres facteurs interviennent de manière importante comme la nationalité, les dispositions du Pacs relatives au droit de séjour étant très limitées et n’envisagent pas à l’inverse du mariage, la demande de nationalité.

Les usages du Pacs

Les raisons que les personnes associent au choix du Pacs ou du mariage et la manière dont elles y adjoignent des célébrations permettent de mieux cerner les usages des formes d’unions et la manière dont celles-ci sont appropriées par les individus. Ces points sont abordés par l’enquête Epic qui montre que les trois quarts des pacsés mentionnent des aspects instrumentaux (juridiques, fiscaux, administratifs) contre seulement 16 % des mariés. Un tiers des pacsés considère que cette dimension est la raison exclusive du choix de leur forme d’union contre 5 % des mariés, alors même que le Pacs n’octroie pas de droits qui le rendraient plus attractif que le mariage. Ces contrastes rendent compte du fait que les deux formes d’union ne sont pas porteuses des mêmes enjeux et significations. Dans le prolongement de ces raisons différentes, les formes que prennent les célébrations des deux formes d’union sont très distinctes. Le mariage est de manière quasi systématique accompagné de fêtes : seulement 1 % des personnes qui se sont mariées après 1999 et qui l’étaient encore en 2013 n’ont pas célébré leur mariage. Il est nettement moins courant de célébrer son Pacs (la moitié des cas). Ces disparités sont étroitement liées à la nature différente des deux formes d’union : alors que le mariage est une institution publique (en témoignent la publication de bans, la possibilité de prendre le nom de son conjoint en nom d’usage, le caractère officiel et institutionnel de la cérémonie, nécessairement en présence d’un officier d’état civil et de témoins), le Pacs s’apparente à un dispositif plus ambivalent. Il est « enregistré » et non « célébré » et se prête à une forte privatisation. Les usages du Pacs ne sont toutefois pas homogènes. Deux types de Pacs peuvent être schématiquement distingués. Une première figure repose sur des considérations juridiques, elle est rarement mise en scène par ses protagonistes. La seconde est davantage célébrée et plus volontiers associée à un engagement conjugal et à des considérations plus symboliques.

Sources : « Is the PACS the Future of Marriage? The Several Meanings of the French Civil Union”, International Journal of Law, Policy and the Family, 33 (2), 2019; L’invention du Pacs. Pratiques et symboliques d’une nouvelle forme d’union, Paris, Presses de Sciences Po, collection « Sociétés en mouvement », 2009, 

Contact : Wilfried Rault (Ined)

Mise en ligne : octobre 2019