L’Ined révèle l’ampleur des tensions entre vie professionnelle et familiale
En France, concilier emploi, parentalité ou aide à un proche est un défi pour une partie des actifs. À partir de l’enquête Familles et Employeurs* menée en 2024, Roméo Fontaine, Ariane Pailhé et Delphine Remillon (Ined) dressent un état des lieux des tensions ressenties entre vie privée et professionnelle et de leurs conséquences sur la santé, les perspectives d’emploi et de fécondité. Leurs résultats montrent que les femmes expriment plus souvent de la fatigue liée au travail que les hommes. Toutefois, les conditions d’emploi et les configurations familiales sont les principaux déterminants de ces tensions ressenties.
Des tensions largement partagées par les personnes en emploi
Selon l’enquête, près de 8 personnes en emploi sur 10 déclarent que la fatigue liée à leur emploi affecte leur vie privée. Plus de la moitié estiment que leur travail les empêche de consacrer autant de temps qu’elles le souhaiteraient à leur conjoint ou à leurs enfants. Les responsabilités familiales pèsent également sur l’activité professionnelle : 38% des femmes et 27% des hommes rapportent des difficultés de concentration au travail liées à leurs obligations familiales.
Familles et aidants plus exposés
Avoir de jeunes enfants ou aider régulièrement un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie accroît les tensions : environ 30 % des parents d’enfants de moins de 6 ans (contre moins de 19% pour les personnes sans enfant) et 26 % des aidants décrivent ainsi un fort déséquilibre entre vie privée et professionnelle, contre 21 % des personnes sans proche à aider. Les mères seules sont particulièrement concernées.
Le rôle central des conditions de travail
Au-delà des situations familiales, les conditions d’emploi amplifient considérablement les difficultés. Travailler plus de 45 heures par semaine, exercer une profession indépendante ou subir des horaires atypiques accroît fortement les tensions. À l’inverse, l’autonomie dans l’organisation des horaires et la possibilité de travailler depuis son domicile un à deux jours par semaine semblent favoriser un meilleur équilibre.
Les vies familiale et professionnelle peuvent également s’enrichir mutuellement : pour près de quatre répondants sur cinq, les joies procurées par la vie familiale les aident à mieux travailler, tandis que 66 % des femmes et 58 % des hommes estiment que leur emploi contribue à leur épanouissement personnel et à leur bien-être en famille.
Des tensions associées à un moins bon état de santé
Les personnes en emploi qui déclarent de fortes tensions ont trois fois plus de risques de se dire en mauvaise santé (50 % contre 17 % des autres) et présentent davantage de troubles du sommeil ou de symptômes dépressifs.
Des répercussions sur l’emploi, pas sur la fécondité
Les difficultés de conciliation encouragent à envisager une mobilité professionnelle à court terme, mais elles n’affectent pas les intentions d’avoir des (ou d’autres) enfants. La prochaine vague de l’enquête en 2027 permettra de suivre l’évolution de la réalisation de ces projets de vie.
Source : Tensions entre vie privée et vie professionnelle : qui sont les plus exposés ? Roméo Fontaine, Ariane Pailhé, Delphine Remillon, Population & Sociétés, n° 637, octobre 2025