Étude Elfe : dans les coulisses de l’enquête menée auprès des adolescents
Depuis 20 ans, l’Ined porte l’étude Elfe à travers une succession d’enquêtes sur la vie des enfants à chaque âge. Ce dispositif original a donné lieu à de nombreuses publications sur le développement et la socialisation des enfants en France. Comment les enquêtes sont-elles créées pour ce projet ?
Le 24 octobre 2025, l’Ined a fêté ses 80 ans. Depuis sa création, l’institut analyse les dynamiques de population en France et dans le monde pour comprendre les évolutions démographiques et sociétales de demain.
Marie-Aline Charles est chercheuse à l’Inserm et travaille sur l’étude Elfe
Dans quel contexte et avec quels objectifs l’étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe) a-t-elle été lancée ? Quelle est sa particularité ?
Tout a commencé dans les années 2000 avec un projet impulsé par le démographe Henri Leridon, alors directeur d’une unité de recherche associant des chercheurs de l’Ined et de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Son objectif ? : suivre 20 000 enfants de leur naissance à l’âge adulte, en proposant une approche pluridisciplinaire afin d’analyser divers aspects de la vie de l’enfant.
En parallèle, Santé Publique France avait été chargé de mener une étude sur l’environnement et la santé des enfants, dans le cadre du Plan National Santé-Environnement initié en 2004. Son objectif ? Evaluer les répercussions sanitaires de l’exposition des enfants à certaines pollutions.
Ces deux projets ayant globalement la même finalité (permettre aux enfants d’aujourd’hui de grandir dans les meilleures conditions), le rapprochement sembla profitable aux différentes équipes. C’est comme ça que l’étude Elfe est née 2011.
Sa particularité ? Elle est la toute première cohorte longitudinale française d’envergure nationale à traiter simultanément les différents aspects de la vie des enfants. Sciences sociales, santé et environnement sont les trois grands domaines auxquels se rattachent les recherches menées dans l’étude.
Une enquête « Ados à 14 ans » marque l’année 2025, en quoi consiste-t-elle ?
Cette nouvelle enquête « Ados à 14 ans » est l’occasion de donner la parole aux enfants de la cohorte, devenus des adolescents. Il nous semble important de leur permettre de participer pleinement à cette nouvelle étape de recueil d’informations.
Côté pratique, nous avons d’abord contacté les parents à l’automne, puis un courrier personnel sera envoyé aux adolescents dont les parents auront consenti à leur participation. Les sujets étant nombreux, ils pourront compléter à leur rythme nos questionnaires en ligne, sur l’appareil de leur choix. Ces questionnaires ont été pensés pour être agréables à compléter tout en prenant en compte les normes d’accessibilité… et ils incluent quelques surprises pour les adolescents !
Dans cette étape de suivi, l’étude Elfe interroge les jeunes sur des thématiques déjà abordées et des sujets nouveaux, afin de suivre les évolutions liées à l’adolescence et/ou la société. L’alimentation, les questions environnementales, les relations amoureuses et amicales, la vie de famille et dans le cadre scolaire, le sport et le bien-être ou encore leur personnalité sont autant de sujets abordés dans nos questionnaires.
Comment des "apprentis chercheurs" ont-ils contribué à l’élaboration du questionnaire de cette enquête et qui sont ces "apprentis chercheurs" ?
Le dispositif « apprentis chercheurs » est une initiative portée par l’association L’Arbre des connaissances. Elle permet à des collégiens et lycéens d’être plongés dans l’univers de la recherche. Comment ? Par une immersion au sein de laboratoires, au fil de séances organisées pendant l’année scolaire.
L’équipe Elfe a accueilli un binôme du collège Miriam Makeba (Aubervilliers) et un binôme du lycée Hélène Boucher (Paris 20e). Durant les séances, les jeunes ont pu tester nos questionnaires et nous faire leurs remarques sur de nombreux aspects : design et illustrations, facilité de compréhension et accessibilité, longueur des questionnaires…, nous permettant ainsi de les améliorer. Par exemple, ils ont suggéré une modification des modalités de réponse proposées à la question sur la fréquence à laquelle ils pouvaient arriver en retard en cours. En effet, parmi les réponses possibles, « 3 à 5 fois par semaine » et « tous les jours » faisaient doublon, une semaine de cours équivalant à 5 jours.
Le regard de ces apprentis-chercheurs nous a aussi été précieux pour la conception d’outils de communication adaptés aux adolescents. Ainsi, ils nous ont incités à créer un flyer, pour motiver les adolescents de la cohorte à participer à la nouvelle enquête. Une réalisation que nous avons concrètement intégrée aux documents d’enquête qui seront envoyés aux familles. La recherche participative n’est pas un vain mot !