Virginie Rozee

sociologue à l’Ined, nous parle de l’ouvrage "L’aide à la procréation, dans les pays du Nord et du Sud" qu’elle a co-dirigé avec Sayeed Unisa.

(Entretien réalisé en novembre 2016)

Dans quel cadre s’inscrit cet ouvrage ?

Le séminaire international que nous avons organisé en Inde en 2014 autour des questions d’assistance médicale à la procréation (AMP) a été le point de départ de cet ouvrage. Le livre rassemble certaines de ces communications et réunit d’autres chapitres permettant de proposer une approche globale d’un point de vue géographique et thématique. Un constat est également venu motiver la réalisation de ce livre : si l’AMP est relativement documentée dans les pays développés et les pays du Nord, ce n’est pas le cas des pays moins développés. L’ouvrage vise donc à mieux comprendre les pratiques de l’AMP, leurs encadrements et surtout les défis, essentiellement sociaux, que ces techniques posent dans divers contextes socioculturels, économiques et politiques.

Quels sont les apports de ce livre ?

Cet ouvrage regroupe des études scientifiques pluridisciplinaires menées dans 12 différents pays et régions allant de l’Amérique latine à l’Inde, en passant par l’Afrique, Israël et l’Ukraine. Il analyse à la fois des situations « classiques » de l’AMP, des approches nouvelles comme l’étude de blogs sur Internet ou encore des techniques plus récentes comme la congélation d’ovules. Une partie entière de l’ouvrage est consacrée à la gestation pour autrui (GPA), une pratique minoritaire par rapport à l’utilisation des autres techniques mais qui constitue néanmoins la pratique la plus controversée et la moins documentée scientifiquement.
L’AMP, indissociable des questions de genre, se décline de manière très différente dans le monde, que ce soit en termes d’accès, de représentations, d’expériences, une diversité qui s’explique par les contextes spécifiques à chaque pays et société. Toutefois, ressortent des problématiques communes (telles que les inégalités d’accès, le devoir de maternité), qui ne suivent pas une division binaire « pays du Nord vs pays du Sud ». Partout l’AMP et les défis qu’elle soulève interrogent mais les débats ne se posent pas toujours de la même façon.

Quelle est la part des naissances issues d’une GPA ?

L’absence de registre national dans de nombreux pays ne permet pas de recenser précisément le nombre de naissances issues de la GPA. Par ailleurs, le recours à la GPA se fait à échelle locale mais également internationale ce qui limite la production de données précises sur ces naissances. En revanche, les estimations existantes montrent qu’elles représentent une part très faible de l’ensemble des naissances. Aux Etats-Unis, sur plus de 4 millions de naissances par an, 1000-1500 seraient issue d’une GPA. En Australie, la GPA n’aurait concerné, en 2011, que 300 naissances (faite dans le pays ou à l’étranger).

Quelles sont les législations en matière de GPA ?

Les encadrements de la GPA varient fortement d’un pays à l’autre, mais aussi au sein d’un même pays, dans leur forme et dans leur contenu. Certains pays ne pratiquent que la GPA altruiste (sans échange financier), d’autres l’autorisent uniquement pour les couples hétérosexuels, etc. L’encadrement de la GPA semblerait diminuer les risques médicaux, sociaux et légaux qu’elle comporte, sans pour autant empêcher les recours à l’étranger.