Homo, bi et non-binaires : quand les jeunes questionnent l’hétérosexualité

Communiqué Publié le 30 Avril 2025

En France, les minorités sexuelles sont aujourd’hui plus visibles et davantage reconnues socialement. L’enquête ENVIE*, menée à l’Ined sous la direction de Marie Bergström, révèle une augmentation significative des jeunes qui s’identifient comme homo ou bisexuel.les. Aujourd’hui, près d’une femme sur cinq (19 %) et un homme sur douze (8 %) de 18 à 29 ans ne se définissent pas comme hétérosexuel·les. Ce nouveau numéro de Population & Sociétés, écrit par Tania Lejbowicz, Wilfried Rault et Mathieu Trachman apporte des éléments de compréhension à cette évolution majeure. Quels jeunes concerne-t-elle ? Ces manières de s’identifier impliquent-elles des parcours sexuels spécifiques ? Quels sont les liens entre minorités sexuelles et minorités de genre ? Au-delà de l’élargissement de l’espace des possibles sexuels, c’est l’hétéronormativité, et plus généralement les normes de genre qui structurent la sexualité, que questionnent une partie des jeunes. 

Une augmentation inédite des identifications bi et pansexuelles

La bisexualité désigne une attirance pour les personnes des deux sexes, tandis que la pansexualité implique une attirance pour des personnes quel que soit leur genre. Entre 2015 et 2023, le nombre de jeunes adultes (20-29 ans) s’identifiant comme bisexuels ou pansexuels a été multiplié par six. Aujourd’hui, 14 % des femmes et 4 % des hommes de cette tranche d’âge adoptent ces identifications. Cette augmentation traduit une évolution des perceptions et une plus grande reconnaissance sociale de la diversité sexuelle.

Une transformation portée par les jeunes femmes

Les femmes sont les principales actrices de ce changement. Leur identification à l’hétérosexualité a reculé de manière significative. Tania Lejbowicz, Wilfried Rault, Mathieu Trachman et les autres chercheur∙es impliqués dans Envie, interprètent ce phénomène au regard de la remise en question contemporaine des rapports de genre : le mouvement #MeToo au-delà de la dénonciation des violences sexuelles, a aussi questionné la norme hétérosexuelle. En parallèle, une proportion importante de jeunes déclare avoir déjà eu, au cours de la vie, une attirance pour les deux sexes : 37 % des femmes et 18 % des hommes en 2023.

Les personnes non binaires : un profil distinct

Les personnes non-binaires, qui représentent 1,7 % des 18-29 ans, se démarquent par une forte identification pansexuelle (38,5 % d’entre elles) et bisexuelles (21,5 %), tout en marquant une distance plus prononcée vis-à-vis de l’hétérosexualité (seulement 14,7 % s’y identifient). Ce groupe met en lumière une mise à distance des catégorisations binaires de genre qui se traduit dans leur parcours sexuel.

Une mutation durable ?

Si ces évolutions sont portées par les jeunes générations, la question se pose de savoir si elles vont s’ancrer durablement dans la société. Plusieurs éléments suggèrent une mutation profonde comme l’ampleur de l’augmentation des identifications non hétérosexuelles entre 2015 et 2023 et leur diffusion au sein de différentes catégories de population. Il peut s’agir d’un effet générationnel car ces jeunes appartiennent aux cohortes ayant vécu leur adolescence pendant la montée du mouvement #MeToo en France, et / ou d’un effet « d’âge ». On ne sait pas encore si les identifications de ces jeunes changeront avec l’avancée en âge.

En éclairant ces dynamiques, ce numéro de Population & Sociétés contribue à mieux comprendre les recompositions contemporaines de la sexualité chez les jeunes générations, en lien avec des évolutions sociales profondes.

Auteurs : Tania Lejbowicz (IDUP | Ined), Wilfried Rault (Ined), Mathieu Trachman (Ined) et l’équipe Envie1

1 Y. Amsellem-Mainguy, M.Bergström, M. Bouchet-Valat, M. Bozon, R. Breda-Popa, G. Charrance, P.Cochet, T. Fantoni-Decayeux, C. Hemmer, M. Lapine, G. Larrieu, M. Lenouvel, N. Lévêque, R. Lévy-Guillain, F. Maillochon, A. Muller, P. Mullner, I. Parizot, R. Philit, D. Rahib, A. Régnier-Loilier, Y. Tuffy et D. Trawale

*L’enquête ENVIE

Réalisée par l’Ined en 2023, l’Enquête sur la vie affective des jeunes adultes (ENVIE) repose sur un échantillon représentatif de plus de 10 000 jeunes de 18 à 29 ans.  Intégrant une approche relationnelle originale, il s’agit de la première enquête démographique en France entièrement dédiée aux relations intimes des jeunes adultes. Elle permet une analyse fine et inédite des identifications sexuelles et de genre, des attirances et des pratiques, dans un cadre scientifique rigoureux.

L’ouvrage La sexualité qui vient – Jeunesse et relations intimes après #MeToo (La Découverte, mars 2025) en présente les grandes lignes et met en perspective les tendances émergentes. Le n° 632 de Population & Sociétés vient prolonger cette publication en apportant un éclairage complémentaire, plus ciblé, sur les mécanismes sociaux à l’œuvre dans la transformation des normes sexuelles et de genre.

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