« La fuite des gays vers la ville », un modèle de trajectoire parmi d’autres

le Lundi 23 Juin 2008 à l’Ined, salle Sauvy

Discutant : Arnaud Lerch ( CERLIS-Paris 5)

En réaction à une approche sociologique en termes de déviance, l’homosexualité a été abordée comme un mode de vie particulier (Gagnon, 1973 ; Pollack, 1982) qui induit des pratiques spécifiques de l’espace. Didier Eribon (1999) affirme ainsi que « la fuite vers la ville » est constitutive du parcours des homosexuels, tandis que Pierre Verdrager (2006) remarque que « le bonheur de sa vie va de pair avec la taille de sa ville ». Cette idée d’un lien consubstantiel entre ville et homosexualité a été renforcée par la surreprésentation des citadins dans les enquêtes Presse Gay (1985-2000), accréditant l’image du gay fuyant sa campagne ou sa petite ville natale pour trouver refuge dans une métropole.
L’analyse de trajectoires géographiques recueillies par sondage auprès de 3 500 personnes, sur le site de la revue Têtu, remet en question cette représentation dominante. Nous montrerons que « la fuite vers la ville » est un modèle migratoire parmi d’autres. En effet, la tension entre l’injonction à la discrétion et la réalisation d’une vie sociale gay se gère davantage par une adaptation de la distance sociale au quotidien que par une prise de distance géographique par rapport à son environnement. C’est donc bien davantage le poids de la norme hétérosexuelle qui crée l’assujettissement que des pratiques et des comportements qui seraient uniformes et partagés par tous les gays.