La constitution de la démographie comme science (1910-1930)

le Lundi 18 Mai 2009 à l’Ined, salle Sauvy

Discutant : Joshua R. Goldstein (Max Planck Institut in Demography, Rostock)

Pour quelle raison la démographie est-elle une discipline scientifique? Traditionnellement, on fixe son apparition dans la liste des sciences en 1662 avec la sortie de l’ouvrage Natural and Political Observations signé par John Graunt mais qui doit ses aspects originaux à William Petty (voir: Naissance de la mortalité : l’origine politique de la démographie et de la statistique, Gallimard 2000). On trouve dans les Observations la première table de mortalité, le rôle des migrations, l’analyse des causes de mortalité. Malgré ses efforts, Petty n’est pas parvenu à relier la fécondité des couples à la croissance de la population. Deparcieux fera allusion à ce problème, Euler l’évitera adroitement, Malthus échouera à le régler dans un chapitre fumeux sur la fécondité des mariages.

Il faudra attendre les vingt années entre 1911 et 1931 pour que la solution soit apportée avec la prise en compte de la fécondité par âge. Cette solution sert d’armature à The Nature of Demography. Y concourrent, Lotka en 1911 du côté mathématique et du côté empirique le développement des perspectives de population par composantes au début des années 1920. Y participent Kuczynski avec la mise au point du taux de reproduction, Gini avec la fécondabilité, mais aussi les eugénistes et les darwinistes sociaux (voir Histoire secrète de la fécondité, Gallimard, Le Débat, 1980). Les deux articles de Sauvy en 1928 et en 1931 dans le JSSP témoignent de la jonction qui vient de s’opérer entre fécondité et croissance démographique.

L’articulation de l’échelle macroscopique et microscopique, de l’individu et de la masse constitue un moment essentiel dans la construction d’une science. La fécondité représente l’aspect microdémographique et la croissance, l’aspect macrodémographique. Presque toute science sociale doit régler les relations entre ces deux échelles : l’économie le fait avec la macro et la microéconomie, l’histoire avec l’histoire quantitative et la microstoria, la sociologie avec acteurs et classes sociales, la psychologie et la géographie, science des échelles dans The Nature of Geography que publia Hartshorne en 1939.