Comparabilité de la nomenclature des professions et des catégories socioprofessionnelles (PCS) : histoire et évolution future d’une nomenclature

le Lundi 05 Octobre 2009 à l’Ined, salle Sauvy

Discutant : Christian TOPALOV (directeur de recherche au CNRS, directeur d’études à l’EHESS)

Alain Desrosières (INSEE)

Les travaux des statisticiens visant à décrire les situations de travail et d’emploi, les catégories sociales, leurs habitudes de consommation et leurs comportements culturels ou électoraux, font large usage des déclarations des personnes sur leurs professions. Depuis les années 1950, les chercheurs en sciences sociales comme les instituts privés spécialisés dans l’étude de l’opinion publique utilisent largement une nomenclature des groupes sociaux créée par l’INSEE, les Professions et Catégories Socioprofessionnelles (PCS). Ce découpage a été conçu à une époque où la société française était structurée en groupes sociaux consistants, souvent dotés d’une forte conscience d’eux-mêmes et d’organisations représentatives puissantes (les agriculteurs, les ouvriers, les patrons, les cadres). Ces catégories empiriques utilisées par les statisticiens et les sociologues étaient vues comme des approximations des « classes sociales » mises en avant par la tradition sociologique et politique. Depuis les années 1980, il est devenu classique d’observer que ces groupes ont perdu de leur force en tant que groupes « pour soi », que les statuts ou quasi-statuts qui les sous-tendaient se sont effrités, notamment sous l’effet de la crise économique, des transformations du marché du travail et de la baisse de la syndicalisation. Par ailleurs, certains économistes, qui préférent souvent des critères pour eux plus faciles à enregistrer et à coder, comme le revenu et le diplôme, voient dans l’usage persistant de cette nomenclature une sorte d’anachronisme ayant perdu toute pertinence. Vingt ans après la publication d’un petit volume consacré aux recherches menées lors d’une refonte de cette nomenclature engagée à l’occasion du recensement de 1982 (Desrosières et Thévenot 1988/2002), comment expliquer que, malgré ces critiques fortes, elle reste toujours largement utilisée ?

Cécile Brousse (Insee, division Emploi)

La nomenclature des professions et des catégories socioprofessionnelles (PCS) permet depuis des années aux acteurs sociaux, administrations ou chercheurs l’analyse de l’évolution de la société française. Elle sert de cadre aux négociations entre partenaires sociaux au niveau national. Parallèlement, se développe depuis plusieurs années le besoin d’établir des comparaisons européennes et internationales qui exige de mettre au point une ou plusieurs nomenclatures qui puissent être utilisées par tous les pays, tant sur les professions que sur les catégories socioprofessionnelles.

Sous l’impulsion d’Eurostat et d’organismes internationaux, la classification internationale type des professions (CITP) s’est progressivement diffusée dans le système statistique public français. La Classification internationale type des professions (CITP) s’intéresse en premier chef aux tâches accomplies dans l’exercice d’une profession. Cette logique est sensiblement différente de celle qui préside, en France, où la définition des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) s’appuie non seulement sur le contenu des tâches mais aussi sur le clivage salarié/indépendant et sur le statut public ou privé.

En outre, depuis la fin des années 90, l’avenir de la PCS est suspendu aux avancées du projet européen de nomenclature socio-économique. En effet, en août-septembre 1999, le comité de direction de l’Insee arrêtait qu’en prévision des discussions à venir sur la construction d’une nomenclature socio-économique européenne aucune modification substantielle des catégories socioprofessionnelles « ne devait être mise en oeuvre ». Dans cette même période, la Commission européenne a commandé une série d’études sur la possibilité d’élaborer une nomenclature socioéconomique européenne qui pourrait avoir vocation à être utilisée dans le tronc commun des enquêtes communautaires auprès des ménages. En 2006, deux équipes britanniques dirigées par David Rose et Eric Harrison, appuyées par l’Office statistique du Royaume-Uni ont soumis aux instituts de statistique un projet baptisé EseC (pour European Socio-economic Classification).

Suite aux réserves formulées principalement par la France et aux tentatives d’implémentation présentées par quelques instituts nationaux de statistiques à Bled en juin 2006, l’Unité Marché du Travail d’Eurostat a lancé un appel d’offre auprès des INS afin d’évaluer la proposition du consortium d’ESeC. Quatre pays se sont proposés d’examiner la pertinence de ce projet, dont la France. L’Insee, aidé de la Dares et du centre Maurice Halbwachs, a engagé différents travaux et rendra ses conclusions à Eurostat à la fin du mois de septembre après avoir consulté le Cni