Quantifier l’avortement clandestin (1900-1950) : démarches savantes, enjeux politiques

le Lundi 15 Février 2010 à l’Ined, salle Sauv

Discutante : Catherine Rollet Université de Versailles/St-Quentin

Comme d’autres pratiques clandestines, l’avortement illégal constitue un défi à l’appréhension statistique des phénomènes sociaux. Pourtant, les tentatives visant à estimer l’ampleur de ce « fléau social » n’ont pas manqué depuis que l’avortement « criminel » est devenu un sujet d’anxiété sociale dans le courant du XIXe siècle. Si les chiffres de l’avortement ont constitué un mode privilégié de légitimation de l’action publique, et un outil important dans la mise en place de dispositifs biopolitiques dans la France contemporaine, on doit d’abord y voir de fragiles constructions, péniblement établies, obtenues à travers l’interaction de différents univers sociaux et domaines de pratiques. Comment et pourquoi a-t-on tenté d’estimer le nombre des avortements ? A quels usages sociaux ces chiffres ont-ils donné lieu ? Peut-on, enfin, extraire rétrospectivement de ces sources, a priori aussi précaires que tendancieuses, des savoirs historiques nouveaux ?
L’analyse des données et des études statistiques médicales accumulées à l’époque « clandestine » permet sans doute moins d’approcher la réalité quantitative de cet objet démographique en lui-même que de contribuer à la connaissance des pratiques sociales qui s’y rattachent. Elle donne matière à la compréhension des échanges de préoccupations et d’informations entre le champ médical et le champ des études sur la population. Elle livre ensuite des indications sur le tiraillement des médecins, qui semblent hésiter entre une attitude de neutralité protectrice et la tentation d’œuvrer par leurs moyens propres à la lutte contre le « fléau », quitte parfois à se muer en agents de sanction.