La maternité célibataire en Tunisie : contours d’une réalité plurielle

En Tunisie, être mère sans être épouse est un statut largement réprouvé par l’ensemble du corps social, politique et parfois scientifique. Stigmatisées voire exclues au nom de l’ordre moral qu’elles ont osé franchir, les mères célibataires tunisiennes sont considérées comme des femmes de « mœurs légères », des « prostituées » - à l’antithèse de l’image de la « bonne » mère et épouse. A partir d’une enquête quantitative menée auprès de 450 femmes ayant enfanté hors mariage en Tunisie entre 2008 et 2009 et d’une quarantaine d’entretiens, nous proposons d’analyser le profil de ces femmes qui détiennent une place si particulière en Tunisie. Loin de représenter une catégorie uniforme, ces femmes sont issues de milieux divers et cette catégorie « mère célibataire » dissimule en réalité des profils et des parcours très diversifiés. A titre d’exemple, nous verrons que les relations entretenues avec les partenaires masculins, les pères biologiques, sont plurielles et diffèrent grandement entre elles allant de l’échange économico-sexuel à une relation proche de celle du mariage. L’analyse des entretiens nous permet aussi d’observer qu’au-delà des règles implicites et explicites de la filiation, des stratégies de la parentalité peuvent être mises à jour chez ces mères célibataires allant du déni total de leur maternité à des tentatives de normification c’est-à-dire selon la définition goffmanienne, à l’effort accompli par certaines mères pour se présenter comme des personnes « ordinaires ».