La figure de la mauvaise mère dans les dispositifs d’intervention sociale en direction des familles. Vers une démocratisation de la vie familiale?

le Lundi 11 Juin 2012 à l’Institut National d’Etudes Démographiques, de 14h à 15h, en salle Sauvy

Présenté par Coline Cardi (Paris 8) - Discutant : Wilfried Rault

Les évolutions conjointes des comportements familiaux et du droit en matière familiale sont analysées par certains comme les signes d’une « postmodernité », marquée par une autonomisation des individus par rapport aux rôles familiaux traditionnels et par une remise en cause de l’intervention étatique dans la sphère privée. L’usage récurrent du terme de « parentalité » et les nouveaux dispositifs qui y sont associés, témoignent de ces évolutions : on insiste sur la nécessité de se départir d’une vision traditionnelle pour offrir un « accompagnement » non contraint et respectueux des choix individuels en matière conjugale et sexuelle. L’adéquation entre ordre social et ordre familial serait alors dépassée, et on serait entré dans un nouvel âge de la prise en charge des familles, où hommes et femmes choisiraient librement les modalités du vivre ensemble.

Le détour par le terrain de l’intervention sociale en direction des familles amène à relativiser ce processus et à en mesurer les contradictions, notamment à l’aune des rapports sociaux de sexe. C’est ce qu’on montrera en s’appuyant sur des enquêtes réalisées dans trois dispositifs : la justice des mineurs dans son versant civil, un centre maternel et une association de thérapie familiale. Dans ces espaces, on observe une tension entre le principe affiché d’autonomie et celui de gestion des risques sociaux, également perçus comme des risques familiaux. Or cette définition des risques familiaux est marquée par une différence de classe, mais aussi par une différence de sexe. Les mères précarisées (surreprésentées d’un point de vue statistique) se présentent sous un jour paradoxal. Désignées comme les partenaires de l’entreprise de prévention et de traitement des situations de danger pour les enfants, elles sont aussi présentées comme la cause première des désordres familiaux. En creux se dessine la figure de la "mauvaise mère", qui emprunte aux catégories médicales mais surtout psychologiques. A travers cette figure, on voit comment, dans des espaces institutionnels où se produisent et se répercutent de nouvelles normes, notamment celles de l’autonomie et de l’émancipation, les femmes ne sont plus exactement assignées aux mêmes places que par le passé. Mais il s’agit moins d’un renversement que d’un réaménagement, d’une nouvelle économie des rapports de sexe.