Ethnicité et race. Séminaire MIM. Séance 7

le Jeudi 20 Mars 2008 à l’Ined, salle Sauvy de 14h00 à 17h00

Discutant : Patrick Simon (INED)

Race : applications en philosophie et en sciences sociales

Dominique Colas (Sciences Po) « Généalogie des racismes et des antiracismes »

Le racisme et son rejet ne peuvent pas s’interpréter seulement comme des constructions dues à des conditions sociales ni comme des outils de propagande. Les racismes relèvent de « systèmes de pensée » (Foucault) dont on peut essayer de reconstituer certaines trajectoires. Non sans prudence méthodologique : à titre d’exemple on peut noter les variations de Marx sur la « question juive ». Si l’on peut trouver des formes d’invariants (par exemple le lien entre climat, couleur de la peau et caractère raciale dont on peut suivre le parcours d’Aristote à Kant), on peut aussi chercher des effets de conjoncture (que Freud a indiqué pour son propre compte qui le conduit à parler de race puis de « race » avec des guillemets). On doit noter une certaine spécificité française : l’idée de nation s’est construite par rejet de celle de race (mais on porte encore des traces chez Renan par exemple). On voit à la fois comment il faut repenser des moments du passé (certaines des formes de l’antijudaïsme médiéval relèvent bien de l’antisémitisme) et accepter des renversements (la fierté d’appartenir à une
« race »).

Dominique Colas est Professeur de Sciences Politiques à Sciences po et l’auteur de nombreux ouvrages et articles dont Nationalité et citoyenneté (Folio, Gallimard, 2004) et Races et racismes (Plon, 2004) et l’article « Race » dans le Dictionnaire de Gaulle, Bouquins, 2006 . 

Carole Reynaud Paligot (Centre histoire du XXe siècle, Paris I) : « La notion de race entre sciences naturelles et sociales dans la France des années 1930 »

Construite par des savants républicains, la science des races a su conquérir une légitimité scientifique et s’est inscrite dans l’idéologie républicaine des débuts de la IIIe République. Au fil des décennies, elle a contribué à montrer une belle vitalité en tentant de renouveler ses problématiques au gré des avancées scientifiques de l’époque (sérologie, génétique). Le contexte spécifique des années 1930 n’infléchit pas la tradition de l’école de Broca : l’anthropologie raciale se refuse à l’antisémitisme tout comme à l’affirmation de la supériorité de la « race nordique ». En revanche, la pensée inégalitaire et hiérarchisante reste très présente à l’égard des races de couleur même dans les franges les plus progressistes du monde scientifique. La psychologie raciale connaît à cette époque une reconnaissance des plus académiques et ses applications au monde colonial ont été lourdes de conséquences réduisant encore considérablement les ambitions de la mission civilisatrice.

Carole Reynaud Paligot est l’auteur de La République raciale (PUF, 2006) et Races, racisme et antiracisme dans les années 1930 (PUF, 2007).