Population 2015, n°4
2016
Plus diplômées, moins célibataires. L’inversion de l’hypergamie féminine au fil des cohortes en France
Milan Bouchet-Valat
Fécondité et niveau d’instruction des femmes pendant le socialisme d’État en Europe centrale et orientale
Zuzanna Brzozowska
La dynamique des substitutions linguistiques au Canada
Patrick Sabourin, Alain Bélanger
Les adoptions en France et en Italie : une histoire comparée du droit et des pratiques (XIXe-XXIe siècles)
Jean-François Mignot
Évolution de la mortalité au cours de la transition du socialisme planifié au capitalisme d’État à Shanghai
Jiaying Zhao, Edward Jow-Ching Tu, Guixiang Song, Adrian Sleigh
Bibliographie critique
Plus diplômées, moins célibataires. L’inversion de l’hypergamie féminine au fil des cohortes en France
Milan Bouchet-Valat
L’hypergamie féminine, définie comme la propension des individus à former des couples au sein desquels la femme se trouve en infériorité par rapport à l’homme, est un phénomène largement observé. Cet article analyse la formation des premières unions à l’aide de l’enquête Étude de l’histoire familiale 1999. Les couples dans lesquels la femme est plus diplômée que son conjoint sont plus fréquents que le cas inverse en France depuis les cohortes nées à la fin des années 1950. Ce mouvement est principalement dû à l’allongement de la
scolarité des femmes qui sont désormais plus diplômées que les hommes, mais va au-delà de ce qu’imposait l’évolution de la structure de la population (hypergamie relative), traduisant une modification des préférences des individus. Enfin, nous observons que le célibat définitif des femmes n’augmente plus avec leur diplôme, alors que les plus diplômées nées avant-guerre étaient fortement désavantagées sur le marché conjugal. À l’inverse, le célibat définitif des hommes non diplômés s’est accentué, signe de l’effet négatif persistant des
difficultés d’insertion professionnelle sur la conjugalité masculine. Ces résultats indiquent un net recul de la norme d’hypergamie féminine en termes de diplôme – dont la portée demeure cependant incertaine.
Fécondité et niveau d’instruction des femmes pendant le socialisme d’État en Europe centrale et orientale
Zuzanna Brzozowska
Cet article analyse l’évolution de la descendance finale des femmes nées entre 1916 et 1960 dans sept pays d’Europe centrale et orientale (Croatie, République tchèque, Hongrie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Slovénie). L’effet de l’élévation du niveau d’instruction sur la fécondité des cohortes est analysé en tenant compte de l’infécondité et des naissances de rang élevé à l’aide des méthodes de décomposition et de standardisation appliquées aux données issues des recensements entre 1980 et 2000. Le recul de la fécondité des
cohortes résulte de l’augmentation du niveau d’instruction d’une part et de la réduction du nombre de naissances de rang élevé d’autre part. Ces deux effets négatifs sont partiellement contrebalancés par la diminution de la proportion de femmes sans enfant. L’analyse montre que les évolutions de la fécondité des cohortes ont été largement partagées dans les différents pays, malgré des différences d’intensité. Il ne semble pas exister de tendance de fécondité spécifique aux pays socialistes, excepté la proportion de femmes sans enfant qui continue de diminuer (alors qu’elle augmente dans les pays occidentaux pour les femmes nées après 1940). En Roumanie, Pologne et Hongrie, la politique fortement pronataliste a pu ralentir la baisse des parités de rang élevé.
La dynamique des substitutions linguistiques au Canada
Patrick Sabourin, Alain Bélanger
Cet article propose une méthode d’estimation des substitutions linguistiques basée sur le principe de la cohorte fictive et de l’analyse de survie. À partir des données d’un seul recensement, cette méthode permet d’obtenir des taux de substitution linguistique pour différents groupes de population au Canada (selon la langue transmise à la naissance, le statut d’immigrant, l’âge à l’immigration, le niveau d’études) et pour toutes les régions concernées du pays. La robustesse de la méthode est validée en comparant les résultats obtenus à partir des
recensements canadiens de 1991, 1996, 2001 et 2006. Les taux de substitution linguistique selon l’âge ou la durée d’immigration sont robustes dans le temps, mais varient significativement selon les groupes de population. Ils sont très faibles chez les immigrants allophones de première génération arrivés au Canada à l’âge adulte, mais peuvent atteindre 90 % dans la seconde génération. Ces taux varient peu d’une région à l’autre du Canada pour les allophones, mais davantage pour les minorités de langue officielle, atteignant dans certains cas des taux comparables à ceux de la seconde génération d’immigrants allophones. Au Québec, où le français et l’anglais constituent deux langues de convergence pour les allophones, la hausse des substitutions linguistiques effectuées vers le français est largement tributaire des changements dans la composition ethnolinguistique de l’immigration.
Les adoptions en France et en Italie : une histoire comparée du droit et des pratiques (XIXe-XXIe siècles)
Jean-François Mignot
La France et l’Italie ont des droits de l’adoption proches et font partie, depuis les années 1990, des pays qui adoptent le plus de mineurs à l’international. Mais, à plus long terme, dans quelle mesure les pratiques sont-elles similaires entre ces deux pays ? Cet article retrace l’histoire du droit et des pratiques de l’adoption en France et en Italie depuis le xixe siècle. Il apparaît que si ces deux pays ont connu des histoires semblables du droit de l’adoption, les nombres actuels d’adoptions simples sont très différents, principalement en raison du
fait que les recompositions familiales après divorce sont beaucoup plus rares en Italie qu’en France. En revanche, les nombres d’adoptions plénières et les profils des adoptés pléniers sont similaires dans les deux pays : après avoir été confrontés au faible nombre de mineurs nationaux adoptables, les candidats à l’adoption des deux pays sont confrontés, depuis 2011, à la baisse du nombre de mineurs adoptables à l’international. En conséquence, les adoptés internationaux en France et en Italie tendent à être plus âgés, plus souvent en fratrie, et plus souvent malades ou handicapés qu’auparavant.
Évolution de la mortalité au cours de la transition du socialisme planifié au capitalisme d’État à Shanghai
Jiaying Zhao, Edward Jow-Ching Tu, Guixiang Song, Adrian Sleigh
Contrairement aux dynamiques de mortalité des anciennes économies socialistes d’Europe durant leur période de transition, les changements de la mortalité en Chine depuis le début des réformes ont été peu étudiés. Cet article analyse les tendances de la mortalité des résidents permanents de Shanghai au moment où la Chine est passée du socialisme planifié au capitalisme d’État. L’amélioration constante de l’espérance de vie a connu un ralentissement entre 1992 et 1996. La mortalité des jeunes hommes adultes d’âge actif (20 à 44 ans) a augmenté, principalement à cause d’une progression des maladies cardiovasculaires et des morts violentes. Les décès dus aux transports ont connu une hausse, tandis que les suicides et les maladies du foie sont restés stables. Cette détérioration de la mortalité est liée aux changements structurels, parmi lesquels une détérioration de la protection sociale, une progression du chômage et du stress, ainsi que des transports et un environnement dégradés. Cependant, les effets défavorables sur la mortalité ont été atténués grâce à une stratégie de réformes graduelles, des institutions fortes et une croissance économique rapide. L’expérience de Shanghai peut s’avérer utile pour d’autres pays socialistes qui souhaiteraient passer à une économie de marché.
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