Population 2017, n°1
2017
Aux portes de la société française. Les personnes privées de logement issues de l’immigration
Pascale Dietrich-Ragon
Les pertes de l’armée italienne pendant la Première Guerre mondiale
Alessio Fornasin
Quand les filles donnent le ton. Migrations adolescentes au Mali
Marie Lesclingand et Véronique Hertrich
Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse
Mathias Lerch, Michel Oris et Philippe Wanner pour la Swiss National Cohort
Parcours conjugaux et transition tardive vers la première maternité en Europe
Julia Mikolai
Histoire des populations
Aux portes de la société française. Les personnes privées de logement issues de l’immigration
Pascale Dietrich-Ragon
Alors qu’en dix ans la part des étrangers a fortement augmenté parmi les sans-domicile, les spécificités de cette population restent peu étudiées. Cet article propose d’analyser les trajectoires sociorésidentielles des personnes issues de l’immigration confrontées à la privation de logement personnel. En quoi diffèrent-elles de celles des sans-domicile nés en France ? Quelle place spécifique les immigrés occupent-ils dans le monde de l’hébergement et quelles sont les lignes de fracture au sein de cette population ? Les résultats de l’enquête Sans-Domicile menée par l’Insee et l’Ined en 2012 montrent que les migrants, les descendants d’immigrés et les personnes de la population dite « majoritaire » ont des profils distincts, et qu’en matière d’hébergement institutionnel, ils ne sont pas logés à la même enseigne. En raison de la présence de femmes et d’enfants, les migrants ne sont généralement pas laissés à la rue, mais ils sont souvent relégués dans les dispositifs d’urgence, moins favorables à l’insertion. Par ailleurs, ils disposent de ressources économiques, culturelles et relationnelles hétérogènes qui les conduisent à des prises en charge et à un recours au droit différenciés.
Les pertes de l’armée italienne pendant la Première Guerre mondiale
Alessio Fornasin
Le nombre le plus souvent avancé pour estimer les pertes de l’armée italienne durant la Première Guerre mondiale est celui de la commission des réparations de guerre de 1921 qui comptabilise 650 000 décès. Cet article a pour objectifs de critiquer cette estimation, d’en proposer une nouvelle, et de fournir des informations sur la structure par âge et l’âge au décès des soldats italiens tombés durant la guerre. Le tableau d’honneur des soldats morts au combat (Albo d’oro) est utilisé dans cette étude, avec d’une part les tableaux récapitulatifs publiés à la fin de chaque volume, et d’autre part un échantillon de 11 000 décès militaires (représentant environ 2,1 % du total) extrait de cette source. Nous concluons que l’estimation de 650 000 décès militaires formulée immédiatement après la fin de la guerre est trop élevée, et le chiffre de 560 000 décès semble plus proche de la réalité. Les données de l’Albo d’oro montrent que le taux de mortalité a culminé durant la dernière
année du conflit, et non en 1917 comme cela avait été affirmé. Il semble enfin que les décès dus à des maladies, plus fréquents dans les rangs de l’armée italienne que dans ceux des autres superpuissances, aient eu un impact bien plus important qu’on ne le supposait auparavant.
Quand les filles donnent le ton. Migrations adolescentes au Mali
Marie Lesclingand et Véronique Hertrich
Les migrations de travail se sont imposées comme des composantes de la vie adolescente dans de nombreuses sociétés ouest-africaines. Ancien pour les hommes, le phénomène s’est étendu plus récemment aux jeunes femmes, au point d’apparaître comme un élément moteur des changements sociodémographiques du milieu rural. Cet article analyse l’articulation entre les migrations de travail des jeunes femmes et des jeunes hommes dans une population rurale du Mali. Il s’appuie sur des données biographiques longitudinales pour retracer l’histoire des migrations sur une période de 50 ans (1960-2009) et en étudier les déterminants en fonction du contexte socioéconomique et des rationalités familiales. Trois principales périodes sont distinguées, en termes de temporalités, d’enjeux familiaux et de rapports de genre : la première (1960-1979) marquée par l’essor des migrations masculines en étroite articulation avec l’économie familiale, la deuxième (1980-1989), avec une généralisation rapide de la mobilité féminine, et enfin la période récente (1990-2009) où la convergence entre les sexes recule. Les analyses mettent en évidence la dynamique du phénomène et l’influence des migrations féminines sur les pratiques migratoires masculines contemporaines dans un contexte où la famille ne privilégie plus forcément la mobilité des hommes.
Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse
Mathias Lerch, Michel Oris et Philippe Wanner, pour la Swiss National Cohort
Alors que les différences régionales d’espérance de vie se sont estompées en Suisse, quels sont les effets de la périurbanisation sur la géographie de la mortalité ? À partir des données de l’état civil et des recensements, on observe un accroissement des différentiels intra-urbains de mortalité depuis 1980, en particulier dans les villes les plus grandes ou qui se sont récemment étendues. Un gradient non linéaire émerge : l’espérance de vie est plus faible dans les centres-villes et les zones rurales que dans la ceinture des agglomérations urbaines. Les profils de mortalité par âge et cause suggèrent que cela tient à la fois aux styles de vie propres aux populations des centres-villes et à la concentration spatiale des groupes défavorisés. Pour la mortalité entre 20 et 64 ans, un modèle multiniveau appliqué à des données de mortalité couplées aux recensements montre que la moindre mortalité observée dans les zones périurbaines résulte de la concentration d’individus très instruits et de familles. À l’inverse, la surmortalité des 20-64 ans dans les centres-villes reflète des désavantages matériels et sociaux. Cependant, ces conséquences socioéconomiques de la périurbanisation ne suffisent pas à rendre compte du gradient de la mortalité urbaine observé chez les personnes âgées.
Parcours conjugaux et transition tardive vers la première maternité en Europe
Júlia Mikolai
La multiplication des expériences conjugales est susceptible d’accentuer l’ajournement des naissances et d’augmenter le risque pour les femmes de rester sans enfant contre leur volonté. Jusqu’à maintenant, les recherches sur les liens entre mise en couple et première naissance se sont généralement concentrées sur la situation conjugale et sur un seul pays. Cet article examine comment la situation et le parcours conjugal des femmes sans enfant à 30 ou 35 ans sont liés à une transition tardive vers la maternité dans douze pays européens. La situation des femmes nées entre 1953 et 1962 est analysée en utilisant les données des Harmonized Histories. Dans les pays d’Europe de l’Ouest et du Nord, les femmes qui épousent leur conjoint avant 30 ans après cohabitation ont la plus forte probabilité d’avoir un premier enfant entre 30 et 40 ans, et secondairement les femmes directement mariées. C’est l’inverse en Europe du Sud et de l’Est. Les femmes en cohabitation ont généralement une probabilité plus faible d’avoir un premier enfant que les femmes directement mariées. En Europe de l’Ouest et du Nord, les femmes qui n’ont jamais eu de conjoint sont les moins susceptibles de devenir mère avant 40 ans, tandis que dans les autres pays, ce sont les femmes seules après une rupture d’union qui ont la plus faible probabilité de première naissance.
Prix TTC : 20,00 €