Population 2022, n°4
2022
L’évolution démographique récente de la France. En région comme au niveau national, des comportements démographiques encore marqués par la Covid-19
Didier Breton, Nicolas Belliot, Magali Barbieri, Hippolyte d’Albis, Magali Mazuy
Les écarts de déclaration de violences conjugales entre les femmes lesbiennes, bisexuelles et hétérosexuelles
Tania Lejbowicz
Réseau social et évolutions de la famille au Japon : un nouvel examen
Martin Piotrowski, Ronald R. Rindfuss , Emi Tamaki, Minja Kim Choe, Noriko O.Tsuya, Larry Bumpass
L’isolement social dans une société de solidarité. Le cas des Sereer Siin au Sénégal
Véronique Deslauriers, Simona Bignami, Valérie Delaunay, John Sandberg
L’évolution démographique récente de la France. En région comme au niveau national, des comportements démographiques encore marqués par la Covid-19
Didier Breton, Nicolas Belliot, Magali Barbieri, Hippolyte d’Albis, Magali Mazuy
Le 1er janvier 2022, la France comptait 67,8 millions d’habitants soit 187 000 de plus qu’au 1er janvier 2021. Les nombres de naissances, d’IVG et de mariages en 2021 ont augmenté si on les compare à 2020, sans toutefois retrouver les niveaux observés avant la crise sanitaire (2019). Il en est même pour les décès dont le nombre a diminué, mais reste encore supérieur à celui observé en 2019. En 2021, la France fait partie des 9 pays européens parmi les 27 dont le solde naturel est positif. Son solde migratoire l’est également et, en 2021, est supérieur au solde naturel. Au total, la population de la France continue d’augmenter, mais à un rythme plus faible qu’avant la pandémie. En 2020, les flux d’entrées de personnes venant de pays tiers avec un titre de séjour ont très fortement diminué du fait de la crise sanitaire. Ce sont les titres pour raison professionnelle qui ont le plus baissé. Les demandes se concentrent en Île-de-France. En 2021, l’indice conjoncturel de fécondité augmente très légèrement (1,83 enfant par femme), principalement du fait de la hausse des taux entre 30 et 39 ans. Le profil par âge varie selon les régions. Le recours à l’avortement est plutôt stable entre 2020 et 2021, mais la part des IVG réalisées par la méthode médicamenteuse augmente d’année en année (77 % en 2021), surtout celles pratiquées en cabinet de ville. Cependant, on observe d’importantes différences territoriales, du fait d’une offre de soins inégale au niveau local. En 2021, le rattrapage des mariages qui n’ont pu être célébrés en 2020 n’a été que partiel. Pour la première fois en 2020, le nombre de pacs dépasse celui des mariages. Les mariages sont plus fréquents sur le flanc est du pays et les pacs sur la façade atlantique et dans le Sud-Ouest. Le nombre de décès reste important en 2021 malgré une amélioration par rapport à 2020. L’espérance de vie en 2021 reste inférieure de 4,6 mois pour les hommes par rapport à 2019, et de 1,4 mois pour les femmes. La surmortalité est estimée à 6,3 % en 2021 après avoir été de 7,5 % en 2020. Les régions les plus touchées ne sont pas nécessairement celles où la mortalité était initialement forte.
Les écarts de déclaration de violences conjugales entre les femmes lesbiennes, bisexuelles et hétérosexuelles
Tania Lejbowicz
Cet article s’intéresse aux violences conjugales subies par les femmes selon leur identification sexuelle et le sexe de leur partenaire. S’appuyant sur l’enquête Violences et rapports de genre (Virage, Ined, 2015), ce travail montre que dans les couples de même sexe, les femmes subissent des faits de moindre intensité engageant moins de violences corporelles, alors que dans les couples de sexes différents, elles sont exposées à des faits plus sévères induisant plus de violences sexuelles. Dans les couples femme-homme, les faits rapportés diffèrent selon l’identification sexuelle des victimes : celles hétérosexuelles déclarent avoir connu plus de violences physiques tandis que celles homosexuelles ou bisexuelles déclarent plus de violences sexuelles de basse intensité. Cet article rappelle l’importance de disposer de données détaillées sur les conjugalités et sexualités pour mieux saisir ces différences de déclarations. Il souligne aussi la nécessité d’interroger la variabilité de l’expérience et de la perception des violences à l’encontre des femmes selon le type de couple (de même sexe ou de sexes différents) et l’identification sexuelle des femmes qui les rapportent (lesbienne, bisexuelle ou hétérosexuelle).
Réseau social et évolutions de la famille au Japon : un nouvel examen
Martin Piotrowski, Ronald R. Rindfuss , Emi Tamaki, Minja Kim Choe, Noriko O.Tsuya, Larry Bumpass
En utilisant les données des enquêtes nationales de 2000 et 2009 sur les conditions familiales et économiques au Japon, cet article examine la relation entre le fait de connaître une personne adoptant des comportements familiaux « innovants » – tels que la cohabitation, les rapports sexuels hors mariage ou le recours à des modes de garde formels des enfants par les mères qui travaillent – et les attitudes envers de tels comportements. Les recherches existantes sur ce sujet sont prolongées de deux manières : en ajoutant une composante longitudinale pour estimer un modèle à effets fixes qui contrôle l’influence de l’hétérogénéité inobservée fixe dans le temps susceptible d’être liée à la fois à la connaissance de l’entourage et à ses propres attitudes ; et en se concentrant plus explicitement sur les différences entre les sexes. On constate que, mises à part les caractéristiques inobservées fixes dans le temps, les changements d’attitude envers les comportements familiaux innovants sont sensibles à une modification de l’entourage adoptant ce même comportement ou un comportement lié. C’est la création de nouveaux liens sociaux qui amène les femmes à reconsidérer le mariage, jusqu’alors perçu comme la condition sine qua non d’une vie épanouie pour les hommes et les femmes.
L’isolement social dans une société de solidarité. Le cas des Sereer Siin au Sénégal
Véronique Deslauriers, Simona Bignami, Valérie Delaunay, John Sandberg
Bien que l’Afrique subsaharienne soit le terrain de mutations sociales importantes, notamment quant au rôle de soutien que jouent les familles, le phénomène de l’isolement social y demeure peu abordé. Cet article a pour objectif d’identifier un cadre théorique pour étudier l’isolement social dans les sociétés de solidarité d’Afrique subsaharienne et de décrire comment cet isolement se manifeste chez les Sereer Siin au Sénégal. L’analyse s’appuie sur 52 entretiens réalisés dans le cadre d’une enquête sur les réseaux sociaux menée sur le territoire de l’Observatoire de population de Niakhar (Niakhar Social Networks and Health Project). Ces données suggèrent que l’isolement se manifeste à travers l’incapacité à se maintenir dans le système d’assurance informelle et que l’expérience migratoire (migration de travail pour les hommes et matrimoniale pour les femmes) est un facteur explicatif des situations d’isolement, lorsqu’elle intervient dans certains contextes comme ceux de conflits familiaux et d’appauvrissement.