Armelle Andro et Michel Bozon

nous présentent l’unité Genre de l’Ined

Ined-Colette Confortès

Armelle Andro est démographe, maîtresse de conférence à l’Institut de démographie de l’Université Paris 1 et chercheure associée à l’Ined. Michel Bozon est sociologue, directeur de recherche à l’Ined et chercheur associé à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS) de l’EHESS et de l’Université Paris 13. Tous deux ont été responsables de l’unité « Démographie, genre et sociétés » à l’Ined.

(Entretien réalisé en décembre 2014)

 

L’unité de recherche Démographie, genre et sociétés a été fondée en 1999. Dans quel contexte et dans quel but ?

La démographie n’a pas été pionnière dans les études sur les femmes et le genre, ni en France ni ailleurs. La création de l’unité Genre en 1999 s’inscrit moins dans la lignée du militantisme et des travaux de recherche féministes français (notamment en histoire et en sociologie) qu’elle n’est l’une des conséquences d’une mobilisation politique internationale en faveur de l’égalité entre femmes et hommes. Trois grandes conférences des Nations Unies ont scandé les années 1990 : celle sur les droits humains (Vienne, 1993), celle sur la population et le développement (Le Caire, 1994), celle sur les femmes (Pékin, 1995), qui ont préconisé la réalisation d’études et de recherches à l’appui des politiques d’égalité. En 1997, une dizaine de chercheur-e-s, dont Thérèse Locoh, démographe africaniste, Stéphanie Condon, démographe, et nous-mêmes, Michel Bozon, sociologue, et Armelle Andro, alors doctorante en démographie, créent à l’Ined un atelier de lecture sur le genre et la démographie, qui se transforme en unité de recherche deux ans plus tard. Cette unité se propose de contribuer à une observation fine de l’évolution des rapports de genre et à une comparaison entre les sociétés.

Comment la perspective de genre se traduit-elle dans les recherches de l’unité Genre ?

Ce qui caractérise le mieux l’unité Genre, c’est sa transversalité. La quasi-totalité de ses membres appartiennent aussi à d’autres unités de recherche ainsi qu’à d’autres institutions (en tant que chercheur-e-s associé-e-s). Les chercheur-e-s de l’unité Genre proviennent ainsi de toutes les disciplines (histoire, économie, sociologie, géographie, santé publique) et travaillent sur tous les domaines de la démographie, autant sur les pays du Sud que sur les pays du Nord. Parmi les travaux marquants, on peut citer l’enquête Enveff (2000), sur les violences envers les femmes, menée par le Centre de recherche en démographie de l’Université Paris 1 en collaboration avec l’Ined, l’enquête Famille et employeurs (2004), menée en partenariat avec l’unité Démographie économique de l’Ined, l’enquête Contexte de la Sexualité en France (2006), menée en partenariat avec l’Inserm, l’enquête Excision et handicap (2007-2009) ainsi que les enquêtes menées depuis plus de deux décennies en pays rural malien et l’enquête Défichine, actuellement en cours, sur les conséquences de la « pénurie de femmes » sur les rapports de genre et la sexualité en Chine.

Sur ces questions, comment la recherche s’inscrit-elle dans le débat public ?

L’enjeu de l’égalité entre les femmes et les hommes est au cœur du débat public depuis maintenant plusieurs décennies. Dans ce contexte, le rôle de la recherche en démographie est de fournir les éléments tangibles permettant d’éclairer le débat public: de quoi parle-t-on quand on parle d’inégalités de genre, quelle en est l’ampleur et quels sont les facteurs de ces inégalités ? L’enquête Virage sur la violence de genre, de même que l’enquête Enveff avant elle, répondent à des demandes fortes des pouvoirs publics et de la société civile. Le numéro 517 de Population et sociétés, paru en décembre 2014 et élaboré collectivement par les chercheur-e-s de l’unité Genre, porte justement sur Les inégalités de genre sous l’œil des démographes. Une autre publication collective de l’unité, Atlas mondial des femmes. Les paradoxes de l’émancipation, qui paraît en janvier  2015, mène une comparaison entre les sociétés. On y montre comment les rapports entre hommes et femmes impliquent des effets de pouvoir et produisent des inégalités dans toutes les sphères de la société.

Comment la recherche a-t-elle évolué dans la façon d’aborder les rapports de genre? Quels nouveaux champs de recherche s’ouvrent aujourd’hui ?

Si les recherches se sont tout d’abord plutôt penchées sur la situation des femmes, elles ont peu à peu évolué vers une approche plus intégrée des systèmes de genre, c’est-à-dire de la manière dont les relations entre les sexes, mais aussi entre les sexualités s’inscrivent dans des rapports asymétriques et hiérarchiques. Le genre est le fruit d’un apprentissage qui s’exprime dans l’ensemble des relations qui engagent le masculin et le féminin. Si l’on continue à s’intéresser aux inégalités dans le travail et la famille, on s’interroge de plus en plus sur les masculinités et sur l’hétéronormativité.