Peter Brandon

Enseignant de sociologie à l’université d’Albany (État de New York), Peter Brandon est lauréat d’une chaire Tocqueville-Fulbright et accueilli à l’Ined à ce titre jusqu’à la fin du mois de février 2024 ; il a répondu à nos questions.

(Entretien réalisé en décembre 2023)

Aux États-Unis, sur quel(s) sujet(s) travaillez-vous ?

Mes recherches actuelles portent sur des comparaisons internationales de l’économie politique de la mortalité maternelle. Au vu des publications existantes, il semble que cette question ait été insuffisamment abordée sous l’angle macroéconomique, par exemple du point de vue des structures socioéconomiques liées à la santé maternelle et au bien-être.

Travaillant aussi sur les problématiques LGBTQ+, je suis actuellement à la recherche d’indicateurs reflétant une mobilité économique accrue, une meilleure inclusion sociale et un accès plus large des couples LGBTQ+ aux services publics.

Enfin, je travaille en ce moment sur l’organisation économique et les arrangements sociaux au sein des ménages multigénérationnels. Il est important de mieux comprendre ces aspects, car les ménages de ce type sont souvent plus vulnérables à la perte de revenus et aux difficultés financières. 

Je travaille en fait sur de nombreux sujets différents, mais ce sont ceux-là qui m’occupent à l’heure actuelle. Je suis néanmoins impatient de commencer à étudier la mobilité intergénérationnelle et l’émigration des populations que les Anglais ont réduites en esclavage aux Caraïbes au XIXe siècle. Je me lance dans cette nouvelle étude avec un historien à l’origine d’un travail remarquable qui permet de suivre des familles caribéennes d’abord esclaves puis affranchies.

Le thème prédominant de mes travaux démographiques est l’observation et la compréhension des causes et conséquences de la vulnérabilité socioéconomique au sein de différents groupes de population et les comparaisons entre ces groupes. C’est pour moi un défi intéressant et permanent de réussir à définir et mesurer aussi bien que possible ces groupes et divers phénomènes sociaux. J’aimerais que mon travail réussisse à donner une image fidèle des différentes populations que j’étudie.

Je suis en poste à l’université d’Albany – l’université de l’État de New York – depuis onze ans. En dehors de mon activité de chercheur, je suis enseignant en premier et deuxième cycles. L’université possède un centre d’études démographiques, le Center for Social and Demographic Analysis, avec lequel je travaille. Et j’ai été nommé il y a peu président du département de sociologie mais j’ai passé le relais avec plaisir à l’un de mes collègues.

Sur quels projets de recherche travaillerez-vous durant ces quelques mois en France, à l’Ined ? Ces projets sont-ils en lien direct avec vos travaux aux États-Unis ?

Le projet sur lequel je vais travailler ici concerne l’économie politique de la mortalité maternelle. Des études épidémiologiques et des études médicales de tout premier plan ont été consacrées à la mortalité maternelle, mais elle se sont peu intéressées aux associations et liens potentiels entre cette mortalité et les structures socioéconomiques d’un pays ; et les études qui se sont attachées à comparer les États-Unis avec d’autres pays de l’OCDE, dont la France, restent trop rares. Mon projet porte donc sur les taux de mortalité maternelle en France et aux États-Unis, à la lumière de leurs structures politiques et économiques.

D’ici la fin du mois de février 2024, j’espère pouvoir rencontrer les chercheurs et les étudiants de l’INED, savoir sur quoi ils travaillent et réfléchir à de possibles collaborations. J’espère également rencontrer des étudiants partageant mon intérêt pour certains sujets et évaluer si des travaux en lien avec ces sujets sont conduits aux États-Unis. J’ai l’intention de présenter certains de mes travaux dans d’autres endroits en France. Enfin, l’un de mes objectifs est de maîtriser assez le français pour travailler dans cette langue.

Avoir obtenu une chaire Tocqueville-Fulbright est important pour moi à titre personnel, car Tocqueville a eu une influence tout à fait considérable sur ma compréhension des États-Unis et il a également écrit sur les inégalités et la dépendance économiques et formulé des recommandations pour améliorer ces deux aspects. Ce Français a vraiment joué un rôle déterminant pour ma carrière. Je me réjouis de découvrir un peu plus la France durant ce séjour, en particulier son rôle prépondérant dans la recherche consacrée aux nombreux défis démographiques actuels.