Communiqué sur l’étude des prénoms parue en 2019 dans le n° 565 de Population et Sociétés
Communiqué Publié le 15 Septembre 2021
Oui, l’étude « Quels prénoms les immigrés donnent-ils à leurs enfants
en France ? » repose sur une méthodologie et des données
validées scientifiquement
Les médias ont largement repris il y a deux ans et demi les résultats de l’étude de Baptiste Coulmont (École normale supérieure de Paris-Saclay) et Patrick Simon (Institut national d’études démographiques) publiée en avril 2019 dans le n° 565 de Population et Sociétés sous le titre « Quels prénoms les immigrés donnent-ils à leurs enfants en France ? »1.
Un texte critique déposé en août 2021 sur HAL qui s’affranchit de la validation par un comité de lecture scientifique
Cette étude a fait récemment l’objet de critiques par Jean-François Mignot, chercheur au CNRS, dans un document déposé en août dernier sur la plateforme HAL et largement diffusé par son auteur auprès de la communauté scientifique et des médias. Dans ce document non validé par des pairs, c’est-à-dire par d’autres chercheurs, M. Mignot conteste certains résultats de l’étude publiée en 2019, les qualifiant de « contre-intuitifs ». Il considère en particulier que la proportion de petits enfants d’immigré(s) maghrébin(s) portant un prénom arabo-musulman n’est pas de 23 % comme l’établit l’article, mais de 49 %. Il porte également de graves accusations de fraude ainsi que de mauvaise interprétation volontaire, donc de manquement à l’intégrité scientifique, de la part des auteurs de l’étude de 2019 et demande la rétractation de leur article. Il discrédite, dans la foulée, l’ensemble des travaux de l’Ined sur l’immigration, invitant à considérer que « les publications de l’Ined sur l’immigration ne sauraient être tenues pour fiables avant qu’elles aient été systématiquement vérifiées ». Enfin, il accuse les auteurs ainsi que la direction de l’Ined d’avoir refusé de lui communiquer la méthodologie employée ainsi que le programme informatique de l’analyse, les accusant ce faisant de vouloir empêcher la vérification des résultats.
Une méthodologie et des données utilisées pour l’étude de 2019 vérifiées et confirmées par les pairs
Les auteurs de l’étude de 2019 ont rédigé une lettre de réponse aux critiques de Jean-François Mignot. De son côté, le comité de rédaction du bulletin Population et Sociétés, saisi par la direction de l’Ined, a procédé à une évaluation scientifique du document critique et rédigé un avis. La réponse des auteurs et l’avis du comité de rédaction, tous deux en accès libre2, montrent que l’auteur de la mise en cause utilise une classification différente de celle utilisée par les auteurs de l’étude de 2019, classification qui n’est en rien plus légitime que cette dernière et que ses calculs reposent sur une suppression d’une partie des descendants d’immigrés maghrébins qu’il assimile par erreur à des enfants de rapatriés français de l’ancien empire colonial. Ce choix méthodologique a été qualifié par le comité de rédaction du bulletin Population et Sociétés de production de "faits alternatifs" qui ne permet pas d’étudier la transmission des prénoms dans les familles ayant des parents et grands-parents immigrés, et ce faisant ne peut contredire les résultats de l’étude de 2019. Le comité de rédaction du bulletin Population et Sociétés a donc décidé de maintenir l’article de 2019 car il n’a pas été prouvé qu’il était entaché d’erreurs.
Des règles de confidentialité des données et de protection de la propriété intellectuelle à respecter
La direction de l’Ined rappelle son engagement en faveur du mouvement de la science ouverte. En l’espèce, elle rappelle que l’intégralité des données de l’enquête TeO utilisée dans l’étude a été mise à disposition de l’ensemble de la communauté scientifique un an après la fin de la collecte qui s’est achevée en 2009, un délai exceptionnellement court pour une enquête nationale de statistiques sociales. Conformément au droit relatif à la protection des données personnelles, les variables possiblement identifiantes (parmi lesquelles les prénoms des enquêtés et de leurs enfants) font l’objet d’un accès contrôlé qui nécessite des procédures spécifiques, dans lesquelles tout chercheur peut s’engager. M. Mignot pouvait donc disposer, dès 2010, de l’intégralité des données et conduire les analyses qu’il souhaitait.
Sa demande aux auteurs de leurs propres programmes d’analyse soulevait quant à elle des problèmes de propriété intellectuelle, auxquels l’Ined a apporté des solutions en livrant les informations demandées à M. Mignot. Le partage des programmes est une pratique récente que le Ministère de la Recherche promeut depuis 2018 à travers les Plans Nationaux pour la Science Ouverte. Jusqu’à présent, cette pratique n’est pas la norme dans les disciplines des sciences humaines et sociales. L’Ined a cependant engagé une réflexion sur cette question qui figure dans ses orientations stratégiques portant sur la période 2021-2025.
Oui au débat scientifique, dans le respect des personnes
La direction de l’Ined rappelle le profond attachement de l’institut au débat contradictoire, légitime autour d’un article scientifique, débat qui doit être mené dans le respect des règles déontologiques et scientifiques. Elle ne peut que dénoncer les accusations diffamatoires portées dans le texte de M. Mignot envers les auteurs de l’étude de 2019, envers l’Ined et envers l’ensemble de la recherche sur les migrations.
Compte-tenu des accusations portées par M. Mignot à l’encontre de ses confrères et en dehors du cadre académique, une instruction est en cours par le référent intégrité scientifique de l’Ined, en lien avec les référents intégrité scientifique du CNRS et de l’ENS Paris-Saclay. Selon les conclusions de cette instruction, l’Ined se réserve sur les suites à donner à cette affaire.
L’Ined invite la presse à renouveler sa confiance dans les travaux scientifiques de l’institut, conduits dans le respect des standards internationaux de la recherche en matière d’évaluation scientifique et de déontologie.
1 L’article est en accès libre à l’adresse : https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/prenoms-immigres-enfants-france/
2 La réponse des auteurs est disponible à l’adresse : https://archined.ined.fr/view/AXum2FtRkgKZhr-bmFLc
et l’avis du comité de rédaction est consultable à l’adresse : https://archined.ined.fr/view/AXubM4OekgKZhr-bmElS