Les rapports aux origines : des identités mouvantes confrontées aux assignations.
Collection : Documents de travail
n° 287, 2023, 31 pages
L’association entre identité et immigration conduit souvent à interpréter les appartenances nationales et ethnoreligieuses dans leurs oppositions réciproques et sous des formes exclusives. Cette représentation d’un processus identitaire unidirectionnel manque de réalisme en ce qu’elle ignore les formes d’adaptation des identités minoritaires, leur réinvention dans le contexte des sociétés multiculturelles et les hybridations qui se produisent. L’identité pour soi ne se forme pas de manière autonome, elle est fortement influencée par l’identification par les autres, de telle sorte que les représentations collectives, les stéréotypes et préjugés ont une incidence sur les registres d’identité disponibles pour les personnes, et tout particulièrement pour les immigrés et leurs descendants qui font l’objet d’injonctions à se conformer à des modèles dominants, tout en recevant des assignations à des catégories imposées L’enquête Trajectoires et Origines réalisée en 2019-2020 permet de détailler les différents répertoires d’identité et leurs liens avec les expériences d’altérisation. Dans ce texte, nous exploitons les différentes façons d’enregistrer l’identité dans l’enquête. En première partie, nous analysons les dimensions de l’identité choisies par les enquêté.es (dans une liste comprenant le sexe, l’âge ou la génération, le métier ou catégorie sociale, la nationalité, les origines, la religion, etc.) et leurs combinaisons. Dans une deuxième partie, nous analysons les conséquences de l’altérisation sur l’expression de l’identité. Nos résultats montrent que si le rapport aux origines – mesuré par l’origine auto-déclarée – montre un accroissement sensible des références à la France entre les générations, celle-ci se fait plutôt dans une dynamique d’hybridation d’une part, et par l’émergence d’identités ethnicisées et racialisées – mesurée par la place de l’origine et de la couleur de la peau dans les identités d’autre part. Une dynamique complexe de production d’identités composites semble à l’oeuvre, avec une forte appartenance nationale à la France contrariée par des assignations stigmatisantes, mais aussi enrichie par l’émergence d’identités pluriculturelles pour des Français dont les origines gardent une certaine pertinence encore à la troisième génération.