Patrick Simon

Directeur de recherche, Patrick Simon travaille à l’Ined depuis septembre 1993 sur l’immigration, la discrimination, la socio-démographie des minorités, la classification statistique ethno-raciale, la division sociale et l’ethnique de l’espace.

(Entretien réalisé en mars 2014)

Qu’entend-on par discrimination ?

La discrimination peut être définie comme un traitement défavorable fondé sur un critère illégitime, sinon illégal. Elle s’apprécie par comparaison avec le traitement que reçoit ou aurait reçu une personne n’ayant pas la caractéristique indiquée (sexe, origine ethnique ou raciale, nationalité, religion, orientation sexuelle, situation de handicap ou état de santé, etc.).

Il s’agit d’une pénalité attachée à des caractéristiques qui ne devraient pas intervenir dans l’accès à des positions ou des biens. La définition juridique française retient actuellement 20 critères de discrimination, le lieu de résidence ayant été ajouté en janvier 2014 par la loi sur la ville.

Qu’apporte l’approche de la démographie pour étudier la discrimination ?

L’approche sociologique des discriminations adopte une lecture plus analytique du phénomène, prenant en compte sa dimension systémique. L’analyse détaillée des situations, des procédures, des interactions entre les acteurs permet de déconstruire les mécanismes discriminatoires et d’en comprendre les logiques et configurations. Pour cela, des observations in situ et des entretiens avec les différents acteurs sont adaptés. Mais beaucoup de discriminations échappent à l’observation et se constatent dans leurs conséquences, par les inégalités d’accès à l’emploi, au logement, à l’éducation ou par les écarts dans les positions obtenues, par exemple en termes de ségrégation professionnelle dans certains emplois ou de ségrégation résidentielle dans des types spécifiques de quartiers. Dans ces cas-là, les approches quantitatives sont nécessaires pour mesurer les écarts et tenter d’attribuer ce qui relève spécifiquement de la caractéristique portant préjudice (sexe, origine, etc.). La démographie apporte dans ce cadre des outils tout à fait adaptés, tout comme l’économétrie et l’économie expérimentale (mobilisée dans les testings notamment). La démographie se montre également particulièrement pertinente dans la prise en compte des dynamiques temporelles et spatiales qui forment le contexte des discriminations. Il existe différentes façon d’enquêter sur les discriminations, soit en recueillant directement l’expérience des personnes potentiellement discriminées, soit en reproduisant les situations de discrimination dans des dispositifs expérimentaux.

Pouvez-vous nous présenter quelques résultats de l’enquête TeO?

L’enquête « Trajectoires et origines » a collecté l’expérience des discriminations selon plusieurs modalités : d’une part en demandant explicitement aux enquêtés s’ils avaient été discriminés aux cours des 5 dernières années, puis en détaillant le ou les motifs de cette discrimination ; d’autre part en décrivant des situations de traitements défavorables dans l’accès à l’emploi ou au cours de la carrière, à l’école, dans l’accès à la santé, au logement ou aux services publics. Les résultats montrent tout d’abord que parmi les différents motifs de discrimination, c’est l’origine ou la couleur de peau qui sont les plus cités, et que ce sont les immigrés et descendants d’immigrés d’origine maghrébine, d’Afrique sub-saharienne, turque ou asiatique qui rapportent le plus d’expériences de discrimination. Pour plus de résultats, voir le site de l’enquête TeO