Stérilisations masculines et violences persistantes: leçons de l’Emergency en Inde

le Lundi 19 Mai 2025 à l’Ined de 11h30 à 12h30, en présentiel en salle Sauvy & en visioconférence via ZOOM

Stérilisations masculines et violences persistantes: leçons de l’Emergency en Inde

Intervenante : Sarah Vincent (chercheuse post-doctorante au Boston University Global Development Policy Center) ; discutante : Valentine Becquet (chercheuse Ined à l’UR15 & l’UR14, professeure à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales)

Dans quelle mesure les politiques publiques à caractère coercitif ou autoritaire peuvent-elles engendrer des dynamiques de violence ? Cet article étudie l’impact d’un programme de stérilisations masculines imposé par le gouvernement en Inde sur l’augmentation de la violence. Lancé en avril 1976, le programme ciblait principalement les hommes et a connu une mise en œuvre géograhique hétérogène à travers l’Inde sur une période de 10 mois. En utilisant diverses enquêtes de ménages et de nouvelles sources de données historiques numérisées, nous examinons si le programme a déclenché des effets inattendus sur la violence, mesurée par les taux de criminalité. Nous exploitons la variation géographique de l’intensité de la coercition et comparons les districts ayant été peu et beaucoup exposés à la coercition, avant et après le programme. Nous constatons qu’une augmentation de l’exposition au programme a entraîné une augmentation des taux de criminalité violente de 8.6\% pour le district ayant été "moyennement" exposé à la coercition, augmentation qui persiste dans le temps. Les crimes violents contre les femmes expliquent principalement cette hausse des taux de criminalité, les viols augmentant de 32% pour le district moyen. Nous constatons que le programme n’a pas été efficace pour réduire la fertilité, ce qui nous amène à émettre l’hypothèse qu’un programme de stérilisation forcée ciblant les hommes pourrait augmenter la violence contre les femmes par deux principaux canaux : le programme induisant un traumatisme et impactant les perceptions de la masculinité. Conformément à ces canaux, nous observons que les districts avec une forte intensité de coercition sont associés avec des normes de genre plus inégalitaires: des niveaux plus élevés et une plus grande acceptation de la violence conjugale, un pouvoir de négociation plus faible des femmes et une adoption plus faible de la contraception. 

Biographie de Sarah Vincent :

Sarah Vincent est chercheuse postdoctorante au Boston University Global  Development Policy Center.  Économiste spécialisée en microéconomie  appliquée, elle s’intéresse aux déterminants et aux conséquences des  normes de genre et des violences basées sur le genre.  Ses recherches se situent à la croisée de l’histoire économique, de la  santé reproductive et du développement international.