Entrée dans la sexualité et pratiques préventives des étudiantes et des étudiants

Communiqué Publié le 22 Octobre 2020

À l’entrée dans les études supérieures, une large part des étudiants n’a pas encore vécu son premier rapport sexuel, faisant de cette population une cible privilégiée en termes de prévention mais aussi d’information sur le consentement. Ceci d’autant plus que, comme le montre Arnaud Régnier-Loilier, directeur de recherche à l’Ined, à partir des données de l’Enquête santé des étudiants (ESE 2016), les pratiques préventives et les comportements spécifiques (usage du préservatif, recours à la contraception, infections sexuellement transmissibles, grossesses non désirées) diffèrent selon les modalités d’entrée dans la sexualité.

Le temps des études marqué par une déconnexion entre sexualité, couple et vie commune
Le temps des études est une étape importante de transition dans la vie amoureuse des jeunes. Alors qu’à 17 ans, la moitié des étudiantes et étudiants inscrits à l’université n’a jamais eu de rapport sexuel, ils ne sont plus qu’un quart dans ce cas à 22 ans. S’il est fréquent que les étudiants et, plus encore les étudiantes, sont en couple, la relation de couple s’accompagne rarement d’une vie commune aux plus jeunes âges.

 

Une entrée dans la sexualité pas toujours souhaitée
De manière rétrospective, les étudiants ont été interrogés sur le caractère « souhaité/pas vraiment souhaité/forcé » de leur premier rapport sexuel. La proportion de premiers rapports « acceptés mais pas vraiment souhaités » ou « forcés » est deux fois plus élevée chez les étudiantes (13 %) que chez les étudiants (6 %). Elle est par ailleurs d’autant plus élevée que ce rapport est survenu tôt. Si l’origine sociale pèse peu sur le consentement, l’effet de la nationalité est plus marqué. Les premiers rapports « pas vraiment souhaités » ou « forcés » atteignent 23 % chez les étudiantes étrangères et 14 % chez les étudiants étrangers.

Des pratiques préventives liées aux conditions d’entrée dans la sexualité
Une corrélation s’observe entre les conditions d’entrée dans la sexualité et les pratiques préventives. D’une part, la précocité du premier rapport va de pair avec une moindre utilisation du préservatif, particulièrement marquée chez les hommes. D’autre part, les comportements à risque sont corrélés au degré de « souhait » du premier rapport sexuel. Alors que 16 % des étudiantes et 20 % des étudiants dont le premier rapport était « souhaité à ce moment-là » disent ne pas avoir utilisé de préservatif, ces proportions atteignent 26 % et 41 %, respectivement, lorsque le premier rapport n’était pas vraiment souhaité, voire contraint.

Une moindre prévention chez les étudiants étrangers et dont les parents ont de bas revenus
Les comportements préventifs varient assez sensiblement selon le milieu social : 29 % des étudiants issus des familles les plus modestes (revenus des parents inférieurs à 1 500 € par mois) n’ont pas utilisé de préservatif, contre 19 % parmi ceux dont les revenus parentaux mensuels excèdent 3 500 €. Les écarts sont également marqués chez les étudiantes (24 % contre 13 %). Par ailleurs, les étudiants étrangers sont deux fois plus nombreux que les étudiants français à ne pas avoir eu recours au préservatif lors de leur premier rapport.

Pratiques préventives et contraception : des préoccupations qui diffèrent selon le sexe
Bien que les étudiants fassent moins souvent état que les étudiantes de pratiques préventives lors de leur premier rapport (usage du préservatif, avoir fait quelque chose pour éviter une grossesse), ils sont aussi moins nombreux à déclarer avoir déjà eu une infection sexuellement transmissible (9 % versus 13 %). Cela tient probablement à un défaut de dépistage chez les hommes qui ne bénéficient pas d’un suivi médical comparable au suivi gynécologique des femmes. L’encouragement plus systématique et plus précoce au dépistage (des hommes comme des femmes), pour des infections souvent asymptomatiques, est un levier clé afin d’éviter la contamination entre partenaires et le développement silencieux de complications. Les étudiants font par ailleurs un peu moins souvent part d’une grossesse non désirée que les étudiantes (6 % versus 8 %), ces dernières n’ayant pas nécessairement informé le géniteur.
Ces différences entre sexes révèlent la persistance d’une spécialisation des rôles qui fait reposer sur les femmes plus que sur les hommes les préoccupations relatives à la santé sexuelle et reproductive. La prévention doit à la fois promouvoir des comportements sexuels limitant les risques mais aussi encourager à une plus grande responsabilisation des hommes.

Pour en savoir plus :
Arnaud Régnier-Loilier, 2020, "La vie intime des étudiants : entrée dans la sexualité et situation amoureuse" et "Pratiques préventives des étudiants, infections sexuellement transmissibles et grossesses non désirées" Dans : Feres Belghith (Dir.), Aline Bohet (Dir.), Yannick Morvan (Dir.) et al., La santé des étudiants, Paris : La Documentation Française.

Enquête Santé des Étudiants (ESE)
L’Observatoire nationale de la vie étudiante (OVE) a mis en place pour la première fois l’enquête santé des étudiants (ESE) réalisée en 2016, dont l’objectif est de fournir un état des lieux général de la santé des étudiants. Cette enquête a été l’occasion d’inclure des questions permettant de dresser un panorama actualisé de la vie intime des jeunes, limités ici aux étudiants inscrits à l’université. Pour cette première édition, l’enquête a été effectuée uniquement auprès des étudiants inscrits à l’université en France métropolitaine et outre-mer pour l’année 2015-2016.  Les résultats correspondent à l’analyse de 18 875 questionnaires.