Les Bamakois diplômés de Paris - Ethnographie d’une petite bourgeoisie en déclassement

le Lundi 18 Novembre 2013 à l’Ined, en salle Sauvy, de 14h à 15h

Présenté par David Mahut (CEPED - Université Paris Descartes) - Discutant : Etienne Gérard (CEPED)

Cette présentation s’appuie sur une enquête ethnographique menée entre 2007 et 2012 auprès d’un groupe de migrants bamakois et diplômés résidant à Paris. L’objectif est de reconstituer les itinéraires biographiques de ces migrants africains aux propriétés sociales spécifiques : ce sont des urbains issus de la petite bourgeoisie bamakoise, ils maîtrisent le français et tous ont obtenu leurs diplômes au Mali (niveau de diplôme allant du baccalauréat au doctorat). Très majoritairement ouvriers ou employés à Paris, les enquêtés sont placés durablement en bas de la hiérarchie des métiers, des métiers qui sont en inadéquation avec leur niveau de qualification. Mais ce déclassement socioprofessionnel n’est pas la conséquence de leur immigration en France. La mobilité sociale descendante débute dans le Mali des années 90 alors que le pays traverse une crise qui gèle les possibilités d’ascension professionnelle et familiale de mes interlocuteurs.
La première partie de l’exposé est consacrée à la définition du capital pré-migratoire des personnages de l’enquête (les dispositions sociales d’avant l’émigration) et aux raisons qui les ont poussés au départ. Je m’arrêterai spécialement sur les trois caractéristiques fondamentales de leur milieu d’origine : l’origine urbaine, la dette intergénérationnelle et le diplôme. La seconde partie porte sur quelques-unes des logiques d’intégration qui conduisent les enquêtés à occuper les positions basses de la structure sociale française : prise en charge partielle du réseau familial d’accueil, segmentation juridique du marché du travail selon le critère de nationalité, développement continu des formes précaires d’emploi depuis les années 80, etc. La troisième et dernière partie propose une analyse des enjeux sociologiques de leurs situations d’emploi dans la société d’immigration (reproduire en France leur condition de vie originelle par exemple) et d’émigration (répondre à l’exigence de la dette familiale par le biais des transferts financiers notamment). Ces enjeux seront abordés à travers la notion de déclassement, ce qui appelle à réfléchir sur les conditions d’usage de ce terme lorsqu’il est appliqué à une population migrante.