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Recueillir l’opinion des Français au sujet de la dénatalité : l’enquête Natalité de 1942

Avant-propos
Antoine Prost

Tester des représentations sociales sur la famille nombreuse et la natalité, évaluer une politique en leur faveur : une enquête en 1942
Virginie De Luca Barrusse

L’enquête « sur l’état de l’opinion publique au sujet de la dénatalité », menée en 1942 par la Fondation pour l’étude des problèmes humains, a un double objectif : tester des représentations sociales sur la famille nombreuse et la natalité, évaluer la réception de la politique familiale et les aménagements auxquels elle pourrait donner lieu. Son questionnaire alterne des interrogations sur des croyances collectives et sur l’appréciation de la politique familiale et ses aménagements possibles. Cette enquête s’inscrit dans le renforcement par le régime de Vichy de la politique nataliste mise en place dans l’entre-deux-guerres : l’un de ses objectifs est de réhabiliter la famille nombreuse. De multiples affirmations (69) relatives aux familles nombreuses et à la natalité ont d’abord été testées par une partie des enquêteurs ; ce sont celles analysées ici. En définitive, l’enquête interroge l’opinion à l’égard des grandes familles et tente de cerner les idées qui entravent leur désirabilité. À travers un autre ensemble de questions, elle tente de saisir ce qui est de l’ordre de l’acceptable en matière de politique nataliste.

L’enquête natalité de 1942. Photographie biopolitique de la France en plein tournant démographique
Fabrice Cahen, Paul-André Rosental

L’article étudie la genèse et réexploite les données de l’enquête Natalité de 1942, destinée à élucider les causes de la faible fécondité des Français et à y proposer des remèdes. Menée sous l’égide du sociologue Jean Stoetzel, pionnier de l’enquête par sondages, elle repose sur un questionnaire élaboré conjointement avec ses enquêteurs – principalement des instituteurs et des prêtres. Les questions reprennent les thématiques du mouvement nataliste dans toute leur diversité, des propositions répressives (contre l’avortement notamment) à l’évocation de mesures sociales en faveur des ménages. L’enquête conclut que le public français est favorable au natalisme mais considère que les causes de la faible fécondité sont principalement économiques, plutôt que morales ou religieuses. Les incitations financières sont jugées utiles mais insuffisantes. Si Stoetzel préconise une campagne de propagande fondée sur le dévouement à l’État et la réforme morale, la réexploitation des données montre que ce sont les conditions de vie concrètes liées à une forte fécondité qui préoccupent les sondés. Dans la gamme des attitudes morales qui s’expriment, les penchants répressifs sont essentiellement concentrés dans les campagnes. Dans l’ensemble, les sondés se montrent sensibles au sort des populations vulnérables, à commencer par les mères célibataires.

Les jeunes enfants omis du recensement français à la lumière des données appariées
John Tomkinson

Le sous-dénombrement des jeunes enfants, en particulier des moins de 5 ans, persiste dans les recensements du monde entier. Près d’un jeune enfant sur vingt été omis du recensement français depuis l’introduction des enquêtes annuelles de recensement en 2004. Cette étude examine les données de recensement appariées de l’échantillon démographique permanent de l’Insee afin d’identifier les enfants manquants et leurs ménages. Plusieurs facteurs explicatifs sont proposés. Cette analyse montre que les omissions spécifiques de jeunes enfants représentent deux tiers de l’ensemble des omissions de jeunes enfants. Elles sont liées à leurs caractéristiques, en particulier lorsqu’ils résident au sein d’un ménage complexe. Le recensement par internet et la récente refonte du questionnaire ménage ont
amélioré leur dénombrement.

Le temps passé sans vivre en couple : une analyse au fil des générations en France 
Nicolas Rebière, Nicolas Cauchi-Duval, Lyem Britah, Zoé Deloeil, Ines Munoz-Bertrand, Axel Redonnet, Margaux Tocqueville

En France, la part des personnes vivant sans conjoint chez les moins de 65 ans progresse depuis la fin des années 1960. Cet article présente la durée de vie hors couple cohabitant cumulée au fil des âges pour les générations 1926 à 1988 à partir des enquêtes Érfi (2005) et Épic (2013-2014), et identifie les facteurs de son évolution à partir de régressions linéaires. Ces durées ont évolué différemment selon le sexe et sont devenues plus faibles chez les femmes, qui ont notamment plus bénéficié que les hommes du recul du célibat prolongé et du veuvage précoce. Les effets de l’origine sociale et du niveau de diplôme ont longtemps structuré la durée de vie hors couple, mais diminuent progressivement. Les premières générations de babyboomers (1945-1955) font figure d’exception en ayant connu les plus faibles durées de vie hors couple, de telle sorte que la complexification des trajectoires conjugales vécues par les générations suivantes s’apparente plus à une transformation des normes de conjugalité qu’à leur rejet.

Date de référence pour l’entrée à l’école et calendrier des naissances : aucune preuve de décalage en Espagne
Manuel T. Valdés, Miguel Requena

La date de référence du début de la scolarité des enfants peut inciter les parents à avancer ou à retarder la naissance lorsqu’elle s’approche de cette date. La recherche a mis en évidence cette pratique dans les pays asiatiques aux systèmes éducatifs très compétitifs. Notre analyse d’une base de données exhaustive constituée à partir de registres administratifs ne révèle aucune preuve de ce phénomène en Espagne. La stratification de l’échantillon en fonction du niveau d’études et du pays de naissance de la mère confirme la validité de nos résultats. Ces conclusions différencient les contextes européens et asiatiques. Elles procurent également une base empirique solide aux travaux qui utilisent la méthode de régression sur discontinuité en faisant l’hypothèse du caractère aléatoire des naissances autour de la date de référence pour l’entrée dans la scolarité.