Dynamiques familiales, maîtrise de la fécondité et politiques sociales dans les pays du Sud

Depuis la création en 2015 de l’unité Démosud, un projet phare est consacré aux dynamiques familiales. Jusqu’à aujourd’hui, ces travaux s’intéressaient pour l’essentiel à l’étude de la nuptialité et des relations conjugales, des comportements de reproduction et des relations familiales en Afrique. Les travaux qui ont été menés ont ainsi contribué à documenter la situation particulière de ce continent face à la théorie générale de la transition de la fécondité et à analyser, dans le contexte international socioéconomique et géopolitique de la seconde moitié du XXème siècle, les temporalités et les caractéristiques des évolutions de cette dynamique démographique, dans ses diversités spatiales et temporelles (Becker, 1991 ; Bongaarts, 2001, 2006, 2008 ; Caldwell, 1976, 1982 ; Cosio‐Zavala et al., 2003 ; De Singly, 2009 ; Goody, 1982 ; Locoh, 2002, 2008 ; Pilon, 2004 ; Pritchett, 1994 ; Samuel, 2001).

Ces travaux seront poursuivis dans ce nouvel axe avec une ouverture vers de nouveaux horizons géographiques : l’Asie du Sud Est, l’Amérique Latine et le monde russe. Il couvre ainsi des contextes très différents, allant de l’Afrique du Nord, où la famille restreinte et le mariage tardif se sont imposés, au milieu rural sahélien où la transition de la fécondité s'amorce doucement, et en passant par des catégories sociales particulières, au cœur de prescriptions et de valeurs conflictuelles, comme les classes sociales intermédiaires, ou les femmes hautement diplômées, parfois portées par des attentes fortes en matière de conjugalité et de parentalité mais freinées par les cadres sociaux et culturels anciens. Le projet pose également de nouvelles problématiques en lien étroit avec les dynamiques familiales en cours en revenant par exemple sur la question de la santé reproductive et les préférences de genre ; la transformation des liens familiaux, les solidarités inter‐ et intra‐générationnelles ; les politiques sociales avec l’accès aux ressources et à l’éducation, la pauvreté, la réussite sociale et l'accomplissement personnel.
Pour les chercheurs qui y participent, la coexistence et la confrontation de modèles (valeurs, normes, rationalités…) différents voire antagonistes constituent une dimension essentielle à la compréhension des transformations contemporaines de la famille. Une des clés pour aborder les changements comme les lenteurs ou les inerties apparentes est alors de s’intéresser aux décalages, aux contradictions entre les options en présence, aux tensions que génèrent les discordances des évolutions et aux contradictions des prescriptions sociales. Une autre consiste à analyser les arbitrages réalisés par les individus, les contournements et les mixités de pratiques pour concilier des exigences concurrentes, et à s’interroger sur les logiques collectives qui en résultent. La démarche implique l’étude du jeu des acteurs et des structures qui les encadrent, en fonction des conditions du moment et de l’histoire qui les orientent. Elle suppose aussi que l’on développe, conjointement à l’observation des tendances centrales, une attention aux « marges » : comportements atypiques, irrationalités apparentes, dynamiques spécifiques de populations particulières.

Le projet comprends trois sous‐axes.
Dans le premier, la transition démographique est envisagée dans différents contextes avec une attention particulière à la santé reproductive et à la maîtrise de la fécondité dont l’évolution est analysée à l’échelle macro et micro, en prenant en compte différents facteurs (âge au mariage, préférences de genre) et moyens (contraception, avortement).
Dans le second, les unions ainsi que la construction et les transformations de la famille et du ménage sont analysées en profondeur afin de mieux comprendre comment la transition démographique a modifié leurs dynamiques.
Le troisième sous‐axe, enfin, met en perspective les dynamiques familiales avec les systèmes de protection sociale en place ou en cours d'introduction dans différentes parties du monde, dans des contextes démo‐économiques variés.

L’axe porte sur les transformations de la famille et les évolutions de la fécondité dans les pays du Sud. Il combine des recherches comparatives à large échelle et sur le temps long, dans le but de mettre en évidence des régularités, des convergences ou des particularités mais comporte aussi des recherches ciblées sur des contextes spécifiques ou des catégories de population atypiques, pour identifier leurs dynamiques propres et les logiques et stratégies sur lesquelles elles reposent.

Le projet comprend à la fois des travaux comparatifs internationaux, à l’échelle du continent ou par régions, des travaux menés sur des pays particuliers ou encore des analyses ciblées sur des populations particulières. Les méthodes utilisées sont celles de l’analyse démographique et des modélisations statistiques, avec des élargissements sur des approches moins classiques, comme les microsimulations, l’exploitation de bases généalogiques ou d’enquêtes biographiques rétrospectives, l’outil cartographique, ainsi que le traitement de matériaux qualitatifs. Les principales données utilisées sont : − les bases de données individuelles des grands programmes d’enquêtes : enquêtes démographiques et de santé (EDS/DHS), enquêtes MICS de l’Unicef, enquêtes PapChild/PapFam;
− les bases de données de recensements nationaux : Afrique de l’Ouest, du Nord, de l’Est, Asie du Sud‐Est, Amérique latine;
− les données exhaustives de sites de suivi démographiques en Afrique de l’Ouest : observatoires de population de Bandafassi, Niakhar et Mlomp (Sénégal), de Ouagadougou (Burkina Faso), Suivi longitudinal au Mali (Slam) ;
− des bases de données généalogiques (observatoires du Sénégal et du Mali) ;
− des données issues d’enquêtes spécifiques, notamment biographiques (observatoires de population au Kenya, au Burkina Faso, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Nigéria) ;
− des corpus qualitatifs : entretiens individuels et de groupe (dans différents pays d’Afrique sub‐saharienne et d'Afrique du Nord, mais aussi dans d'autres régions du monde (Caucase, Russie, Brésil) ;
− des corpus de statistiques internationales : bases des Nations Unies et des institutions internationales ;
− des données d’état‐civil (Maghreb) ;
− des enquêtes consommation et enquêtes emploi (Tunisie).
Les comparaisons avec d’autres régions du monde sont menées à partir des données nationales accessibles, des recensements disponibles sur Ipums International (notamment pour les pays d’Afrique subsaharienne, du Maghreb et du Machrek, d’Asie du Sud‐est et d’Amérique Latine) et de collectes de données qualitatives.

Participants


  • Soumaya Abdellatif - Ajman University
    Elena Ambrosetti - Université La Sapienza (Rome)
    Lamia Benyahia-Bouamara -
    Yvan Droz -
    Christian Kakuba - CEPED
    Béatrice Lecestre-Rollier - IRD, Université Paris V
  • Bruno Masquelier - UCL
    Marcellin Nouaman - ANRS
    Stephen Ojiambo-Wandera - Makerere University
    Ignacio Pardo - Universidad de la República
    Mélanie Plazy - Université de Bordeaux
    Svetlana Russkikh - CERLIS
    Nicolas Sacco - Université de Pennsylvanie