L’avortement dans le monde. État des lieux des législations, mesures, tendances et conséquences

Le droit à l’avortement est d’un accès très inégal dans le monde. Si dans la majorité des pays d’Amérique du Nord et d’Europe il est autorisé à la demande de la femme, dans les pays de la région africaine ou latino-américaine, l’accès est majoritairement restrictif, interdit ou limité à des causes précises. Cette question fait toujours l’objet de débats tant pour en légaliser l’accès que pour le restreindre comme par exemple en Pologne récemment. Quelques pays ont connu récemment des évolutions législatives positives tels que le Chili ou l’Irlande (où la légalisation de l’avortement a été décidée lors d’un référendum en 2018), mais en Argentine, si une nouvelle loi a été votée par la chambre des députés, elle a été rejetée par le Sénat cette même année.

Ces limitations d’accès n’empêchent pas pour autant pas la pratique de l’interruption de grossesse, comme l’attestent les taux élevés d’avortement dans les pays où l’accès est légalement restreint. Mais elles amènent les femmes à recourir à des stratégies pour accéder à des avortements à moindre risque pour leur vie et leur santé, ou pour échapper aux risques de la pénalisation. Ainsi se déplacent-elles vers des pays ou régions aux lois plus permissives, où les délais légaux sont plus longs, vers des structures sanitaires où les professionnels de santé ne se déclarent pas objecteurs de conscience. Autre moyen de contournement, l’utilisation de l’avortement médicamenteux. Cette méthode est devenue la principale utilisée dans les pays où l’avortement est légal, mais elle l’est aussi dans les contextes où l’accès est restreint, comme dans nombre de pays d’Amérique latine, où les femmes se le procurent à travers des réseaux informels, Cette méthode présente moins de risques que les méthodes traditionnelles utilisées dans les contextes d’illégalité, essentiellement par les femmes de classes sociales défavorisées. Ces évolutions des risques ont amené l’OMS à réviser sa classification des types d’avortement. Si tous les avortements illégaux étaient antérieurement considérés à risque, cette classification est aujourd’hui remise en question avec notamment le recours à l’avortement médicamenteux. Ainsi l’OMS considère maintenant les avortements sans risque, à risque modéré ou à risque grave, qui dépendent de la personne qui le pratique et de la méthode utilisée.

Les dernières estimations des taux d’avortement dans les différentes régions du monde se basent sur cette classification. La situation est très contrastée entre les pays les plus développés où 88 % des avortements sont sécurisés, contre 49 % dans les pays moins développés. C’est en Afrique que la situation est  la plus critique en terme de sécurité des avortements : les femmes utilisent des méthodes invasives, l’accès légal est restrictif, et les taux d’avortement sont élevés (34 p.1000 femmes de 15 à 44 ans). C’est également la région où le nombre de décès dus à des avortements à risque est le plus élevé. Ces risques sont évitables lorsque que les avortements sont pratiqués par des personnes qualifiées et avec des méthodes sécurisées. La dépénalisation de l’avortement est un facteur clé pour éviter ces risques et respecter les droits des femmes internationalement reconnus, leur droit à la santé et leur permettre femmes de décider du nombre et de l’espacement de leurs enfants.

Source : Agnès Guillaume, Clémentine Rossier, 2018, L’avortement dans le monde. État des lieux des législations, mesures, tendances et conséquences, Population 2018-2.

Contact : Agnès Guillaume, Clémentine Rossier

En ligne : octobre 2018