Dimiter Philipov

nous présente les enjeux du projet REPRO

Dimiter Philipov travaille au Vienna Institute of Demography. Il fait partie des animateurs du groupe sur la Démographie comparée européenne et travaille sur les questions générales de démographie, surtout dans le domaine de la fécondité et de la famille. Il a coordonné REPRO, un projet du 7ème programme-cadre pour la recherche de la Commission européenne.

(Entretien réalisé en octobre 2011)

De quoi traitait REPRO ?

REPRO est l’acronyme de "La prise de décision de fécondité dans un contexte macro-micro". L’objet central du projet était l’étude des décisions de fécondité : les intentions de fécondité et leur réalisation ultérieure. Les individus construisent leurs intentions sous l’influence de leur environnement institutionnel, économique et social ; notre projet de recherche a pris en compte l’impact de ces facteurs de niveau macro et micro. Le travail sur les décisions de fécondité était basé sur la théorie socio-psychologique du « comportement planifié » (planned behaviour, TPB) dont la pertinence a été largement corroborée par les résultats empiriques de nos travaux. Des enquêtes sur panel ont été utilisées pour étudier la réalisation des intentions. Nous avons trouvé que 75% des individus aux Pays-Bas déclarant l’intention d’avoir un enfant dans les trois ans ont effectivement eu cet enfant, alors que ce pourcentage était considérablement plus bas en Hongrie et en Bulgarie, de l’ordre de 40% et 38%. Mieux comprendre les facteurs qui frustrent la réalisation des intentions d’avoir un enfant peut fournir de l’information précieuse pour l’amélioration des politiques.

Quelles implications politiques peut-on retirer de REPRO ?

En plus de comprendre pourquoi les intentions ne se réalisent pas, on peut également utiliser la TPB. La théorie repose sur trois ensembles de déterminants des intentions : l’un sur les attitudes personnelles envers la parentalité, le deuxième sur l’influence que d’autres (par exemple les parents) peuvent avoir sur l’individu et le troisième sur le contrôle perçu des individus (sur la capacité à pouvoir combiner avec son emploi, son niveau de ressource, sa situation de logement, sa santé, etc.). Les politiques conventionnelles ont un impact direct sur le dernier bloc uniquement. Ainsi, les instruments tels que des transferts financiers ou des congés parentaux peuvent être généreux mais n’avoir que peu d’impact sur les intentions de fécondité si les deux autres déterminants ont un impact négatif important sur la construction des intentions.

En dehors des politiques conventionnelles, de nouvelles approches peuvent alors être renforcées pour soutenir la construction d’orientations positives envers la parentalité ; par exemple proposer une société plus «enfant-friendly » ou rendre l’information plus accessible. Les études menées dans le cadre de REPRO ont montré que les populations européennes diffèrent à plusieurs égards, et qu’un instrument politique qui peut avoir des effets positifs dans un pays ne sera pas forcément efficace dans un autre : copier des politiques réussies ne garantit pas de leur efficacité.

Finalement, les politiques ont-elles un impact sur la fécondité des Européens ?

Les politiques familiales sont construites pour soutenir les besoins des familles. Elles ont un effet indirect sur la fécondité, même si augmenter la fécondité n’est pas leur principal objectif. Une analyse de trois groupes de leviers politiques, menée par des chercheurs de l’Ined à travers les pays de l’OCDE, a montré que les politiques familiales ont un effet modéré sur la fécondité. Les transferts financiers ont un effet minime car ils compensent trop peu les coûts directs et les coûts d’opportunité d’élever un enfant. Les congés parentaux ont un effet ambigu : ils ont une influence positive sur la décision d’avoir un enfant, mais en même temps, ils ont tendance à provoquer un report de l’entrée en parentalité jusqu’à ce que les parents atteignent un niveau de revenu plus élevé, afin que la compensation soit plus grande. Les instruments dédiés à alléger la pression sur la répartition du temps entre travail rémunéré et non rémunéré au sein de la famille ont un effet plus fort. C’est en particulier le cas pour les offres de prise en charge de l’enfant et le travail à temps partiel.