Joanie Cayouette-Remblière

Chargée de recherche à l’Ined, Joanie Cayouette-Remblière nous parle de l’enquête Mon quartier, mes voisins réalisée de mars à juillet 2018 dans les régions lyonnaise et parisienne auprès de 2572 personnes de 14 quartiers différents.

Elle en est co-responsable, avec Jean-Yves Authier (Centre Max Weber).

(Entretien réalisé en novembre 2018)

Quel est l’objectif de cette enquête?

On entend souvent l’idée selon laquelle les relations de voisinage seraient, dans notre société, en crise. D’un côté, certains soutiennent que les nouvelles technologies contribuent à la réduction des échanges en réel. À l’inverse, le quartier, parfois perçu comme un ghetto, peut symboliser des relations de voisinage très, voire trop fortes.
C’est pour interroger ces idées a priori contradictoires que nous avons voulu étudier la manière dont les relations entre voisins se déploient, et ce qu’elles apportent aux habitants. Les dernières enquêtes quantitatives sur le sujet sont anciennes (enquêtes Contacts de 1983 et Relations de la vie quotidienne et isolement en 1997), et les nouvelles technologies, les mobilités quotidiennes et résidentielles ainsi que les dynamiques de ségrégation se sont accrues depuis. Nous avons fait passer, durant quatre mois, 2572 questionnaires d’une durée moyenne de 50 minutes dans 14 quartiers des régions lyonnaise et parisienne, autant situés en cœur de ville, en zones périphériques et périurbaines, que dans des communes rurales. Au centre de cette enquête, la question de la contribution du voisinage à l’intégration sociale.

Comment l’enquête s’est-elle déroulée?

Un recensement exhaustif des logements a au préalable été réalisé dans les 14 quartiers de l’étude, puis une partie d’entre eux a été tirée au sort. Une équipe de trois enquêteurs opérait alors dans chaque quartier : ils devaient réaliser le questionnaire auprès d’un adulte au sein des logements tirés au sort. En cas d’absence des occupants du logement, les équipes effectuaient jusqu’à dix passages à cette adresse, en variant les horaires. Dans certains quartiers, les enquêteurs procédaient à la passation des questions sur rendez-vous, tandis que dans d’autres, la passation spontanée fonctionnait davantage. Grâce à la ténacité des enquêteurs et au protocole rigoureux, nous avons réduit au maximum les refus ainsi que les injoignables.

Quelles questions étaient posées aux personnes interrogées ?

Il s’agissait, par exemple, de savoir si les habitants interrogés s’étaient rendus chez un voisin ou avaient reçu un voisin au cours des douze derniers mois, et pour quel(s) motif(s). Nous avons également souhaité connaître la nature et mesurer l’intensité des relations de voisinage, c’est pourquoi nous avons demandé aux habitants ce qu’ils échangent avec les habitants de leur quartier (des services, des conversations ou encore des informations sur les établissements scolaires ou les opportunités d’emploi) et s’ils pouvaient compter sur leurs voisins, notamment en cas de problèmes financiers.

Des questions au sujet d’éventuels conflits de voisinage (près de 25 % des interrogés en ont déclaré), mais aussi des gênes et des jugements entre voisins ont été posées.

En vue de reconstituer les ramifications et relations de voisinage, les enquêtés devaient nommer des personnes de leur quartier avec lesquelles ils sont en relation (quatre tout au plus) ; les enquêteurs étaient ensuite amenés à réaliser le questionnaire auprès de ces « contacts ». Au total, plus de 5700 personnes ont été citées, dont seuls 12,8 % n’ont pas pu être identifiés.

Nous sommes actuellement en cours d’analyse des résultats et allons conduire, au printemps 2019, des entretiens auprès de 200 habitants pour approfondir certains thèmes.

Les principaux financeurs de cette enquête :

  • L’union sociale pour l’habitat et les bailleurs sociaux partenaires ;
  • Le Commissariat général à l’égalité des territoires ;
  • La Caisse des dépôts ;
  • Le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA) ;
  • La Métropole de Lyon ;
  • La ville de Paris.