Les rythmes quotidiens des villes à travers le monde

Communiqué Publié le 21 Avril 2022

Étendue à l’Amérique latine, la nouvelle version du Mobiliscope permet d’étudier la localisation quotidienne des populations dans un grand nombre de villes

Le Mobiliscope (mobiliscope.cnrs.fr) est un outil de géovisualisation accessible en ligne gratuitement qui permet d’explorer les rythmes quotidiens des territoires et leur mixité sociale. Qui fréquente tel quartier ? Quels modes de transports sont utilisés pour s’y rendre ? Quelles sont les zones les plus attractives ? Quelle est l’ampleur de la ségrégation spatiale entre les riches et les pauvres ? À toutes ces questions, le Mobiliscope apporte des réponses qui peuvent varier selon les heures de la journée au gré des déplacements quotidiens des populations. Conçu et développé depuis 2017 par une équipe du CNRS[1], cet outil intègre désormais des villes d’Amérique latine grâce au concours de l’Ined. Cette extension géographique offre la possibilité de réaliser de nouvelles analyses comparatives et démontre que la méthodologie développée peut être répliquée sur un grand nombre de villes à travers le monde.

Le Mobiliscope est un outil de géovisualisation qui donne à voir, à l’aide de cartes et de graphiques interactifs, l’évolution des populations présentes dans les quartiers des villes au cours des 24 heures de la journée. Il permet ainsi d’étudier, au fil des heures, les changements de composition sociale des quartiers et l’évolution de l’intensité de la ségrégation urbaine selon différentes caractéristiques sociodémographiques.

La nouvelle version du Mobiliscope s’inscrit dans le cadre d’un partenariat signé en 2021 pour 3 ans entre les tutelles du laboratoire Géographie-cités1 et l’Ined, tous deux présents sur le campus Condorcet à Aubervilliers. Cette nouvelle version comprend l’insertion de trois villes d’Amérique latine (Bogotá en Colombie, Santiago au Chili et São Paulo au Brésil), en plus des 49 villes françaises et 6 villes canadiennes déjà intégrées à l’outil. Elle introduit également de nouveaux indicateurs tels que l’informalité professionnelle, pour Bogotá et São Paulo, ou la composition des ménages, indicateur désormais disponible pour toutes les villes.

Cette extension géographique du Mobiliscope démontre que la méthodologie développée par l’équipe n’est pas spécifique à un pays mais peut être répliquée sur un grand nombre de villes de différentes régions du monde à partir de données d’enquêtes réalisées localement. Elle permet ainsi de mener des analyses comparatives sur les rythmes quotidiens d’un nombre croissant de villes de différents pays. Cette approche comparative est facilitée par le développement d’une interface désormais trilingue (français, anglais et espagnol) et par le fait que l’ensemble des données et procédures du Mobiliscope sont en libre accès.

Les acteurs publics de la ville, de l’aménagement et des mobilités ont ainsi à leur disposition un outil d’avenir permettant de mettre en place des politiques publiques adaptées aux temporalités quotidiennes des populations et des territoires.

QUELQUES-UNS DES PREMIERS RÉSULTATS OBSERVÉS À PARTIR DE LA NOUVELLE VERSION DU MOBILISCOPE :

  • Dans les trois villes latino-américaines (Bogotá, Santiago, São Paulo), les ségrégations spatiales les plus fortes s’observent en fonction du profil socio-économique des individus. Les groupes sociaux en haut de la hiérarchie sociale (les plus riches, les plus éduqués, les cadres) sont systématiquement et quelle que soit l’heure de la journée plus concentrés dans les villes que les autres groupes sociaux et avec des niveaux de ségrégation bien plus élevés que dans les villes françaises ou québécoises.
  • À l’instar des arrondissements centraux des grandes villes françaises (Paris, Lyon, Marseille), les arrivées et départs des cadres dans les quartiers centraux et attractifs des trois villes latino-américaines s’observent avec un décalage temporel par rapport aux autres catégories socio-professionnelles : les cadres et professions intellectuelles supérieures arrivent plus tardivement et repartent plus tardivement que les autres catégories de travailleurs moins qualifiés.
  • La ségrégation observée dans les trois villes latino-américaines en fonction du genre est comparable à celle observée dans les villes françaises et québécoises. La proportion de femmes est quasiment la même dans tous les quartiers la nuit, ce qui est moins le cas en journée : dans les villes latino-américaines comme ailleurs, le sex-ratio de la population présente dans les quartiers se déséquilibre au cours de la journée avec certains quartiers qui sont fréquentés majoritairement par des femmes ou par des hommes.
  • Dans toutes les villes, la dispersion spatiale des personnes varie selon le type de ménage dans lequel elles vivent. Les personnes vivant seules sont plus concentrées dans certains territoires la nuit que le jour. Néanmoins, même pendant la journée, leur concentration spatiale reste généralement plus forte que la concentration des personnes vivant en famille.
  • L’utilisation des modes de transport doux (marche, vélo) relève de logiques très différentes selon que l’on s’intéresse aux villes latino-américaines ou aux villes françaises et canadiennes : les modes doux sont en proportion davantage utilisés dans les périphéries populaires des villes latino-américaines tandis qu’en France et au Canada, ils sont principalement utilisés par les populations présentes dans les centres- villes.
  • Dans les trois villes latino-américaines, la ségrégation des personnes ayant un emploi informel (nouvel indicateur spécifique aux villes latino-américaines, 36 % des actifs à São Paulo et 45 % à Bogotá selon nos estimations) et celle des travailleurs indépendants (20 % des actifs à Santiago, 28 % à Bogotá, 30 % à São Paulo) augmentent fortement en journée (avec une forte concentration spatiale dans les périphéries), contrairement aux autres groupes professionnels dont la ségrégation spatiale diminue en journée.

Pour en savoir plus et accéder au Mobiliscope : mobiliscope.cnrs.fr

Bogotá – version en espagnol. Carte du nombre de personnes avec un haut niveau de revenu (par secteur à 14h). Le graphique du haut détaille les variations de la composition sociale du quartier de Santa Barbara selon le niveau de revenus de la population présente. Le graphique du bas illustre la baisse entre 8h et 18h de la ségrégation selon le niveau de revenus dans l’ensemble de la région de Bogotá.

 

São Paulo – version en français. Carte de la proportion d’actifs avec un emploi formel (par secteur à 10h). Le graphique du haut détaille les variations quotidiennes de cette proportion dans un quartier central. Le graphique du bas montre que les personnes ayant un emploi formel sont environ deux fois plus concentrées dans certains secteurs de la ville en journée que la nuit.

Santiago – version en anglais. Carte du nombre de non-résidents présents pour le travail (par secteur à 17h), avec pour le secteur sélectionné (Catedral), une représentation en oursin de leur secteur de résidence.